Questions d'actualité |
Sur le mariage
homosexuel |
Suites... | |||
Et maintenant ? | |||
Ce que peuvent contenir à mes yeux d’inédit les deux
textes que je viens de recevoir me paraît justifier de réouvrir
provisoirement mon site afin de les mettre en ligne. Je souhaite seulement
par là fournir à mes éventuels lecteurs de nouveaux éléments leur
permettant d’être plus consciemment favorables ou hostiles à la
légalisation du mariage et de l’adoption homosexuels. Voici donc d’abord le courriel introductif de
l’auteur, suivi des deux textes en question, « L’invention de
l’homogamie » et « Proposition de recours en inconstitutionnalité ».
------------------------------------------------------------ Message du 27/02/13 19:08 Bien cher Thibaud, Vous me disiez trouver de l’inédit dans mes propos sur l’actuelle question du « mariage homosexuel » et m’invitiez à leur donner une forme écrite que vous vous chargeriez de diffuser internautiquement, de la même façon que, lors de la campagne du référendum de 2005, vous aviez choisi de publier votre dénonciation du cynisme des stratégies de propagande programmées en faveur du TCE dont vous aviez été le témoin dans les cercles rapprochés du pouvoir de l’époque. A bien des égards, nous nous trouvons en effet dans une situation analogue : reconnaissance, par ses promoteurs les premiers, de l’irréfutabilité des objections au projet de loi et mobilisation systématique de tout l’audiovisuel, soit sur l’occultation pure et simple des oppositions inattaquables (ainsi la magnifique intervention à la tribune de l’Assemblée nationale du très remarquable socialiste Nestor-Bruno Azerot, député de la Martinique, maire de Sainte-Marie), soit sur la décrédibilisation ad hominem des incontournables, y compris par les plus ignobles des procédés (Christine Boutin, naturellement, mais maintenant aussi la dénommée Frigide Barjot, organisatrice des fameuses « manifestations pour tous » qui, à défaut d’avoir pu se faire assassiner en direct, lors d’une émission où elle n’avait été invitée qu’à cette fin, se voit, depuis lors, la cible hebdomadaire, de la part de l’animateur de cette émission, d’une campagne obsessionnelle de calomnies tous azimuts, plus grotesques les unes que les autres, la dernière en date consistant à lui prêter l’opinion, sous couvert d’humour, mais au premier degré, ainsi qu’avec le tacite acquiescement de son propre beau-frère, lui-même en pleine opération d’autopromotion –vénalité oblige !– que tous les homosexuels seraient des psychopathes cannibales…ce qui, en effet, ne s’invente pas : c’est du moins ce qu’on espère nous faire croire). Le plus paradoxal, ici, c’est que le déchaînement de la fureur, de l’injure, de l’invective, de la rancœur, des crachats, de la provocation, du ressentiment sous toutes ses formes, ne vient pas du tout de ceux qui ont déjà perdu, mais précisément des vainqueurs, de tous les « autorisés » qui, dans cette partie, jouaient d’emblée gagnants, puisque pratiquement seuls. Je risque une explication : ce n’est que leur victoire qui les exaspère. Que ce ne soit qu’une victoire et qui ne l’emporte que par la force. Ni par le droit, ni par la raison, ni contre l’un ni l’autre, auxquels son absurdité ne peut rien. C’est la rémanence du pressentiment de cette absurdité qui induit, à mes yeux, l’absurdité de ce comportement. C’est aussi pourquoi, dans le texte que je vous propose, vous verrez que j’ai choisi de focaliser plutôt sur elle mon effort de clarification. J’y adjoins une « proposition de recours en inconstitutionnalité » dont l’objet n’est que de présenter une version plus strictement et immédiatement juridique de la question, qui se veut plus neutre et détachée de la dimension spéculative du premier texte et des enjeux de fond et de long terme qu’il prétend dégager… PMH |
Le
signe le plus évident de l’absurde est l’insignifiance dont il commence
par affecter sa propre capacité à se signifier.
L’expression de « mariage homosexuel » est censée traduire sous une forme
abrégée ce qui fut d’abord présenté comme l’ouverture de l’institution du
mariage à des couples homosexuels. Une telle explicitation suggère qu’on
serait passé d’un sens restreint du mariage, réservé aux seuls couples
hétérosexuels, à un sens élargi où il serait également « ouvert », donc,
aux homosexuels.
Et de fait, c’est bien aussi ce qui est immédiatement sensible à l’opinion
publique : dans une société où la libéralisation des mœurs en est arrivée
à un tel progrès que le mariage au sens ordinaire y a déjà perdu à peu
près toute espèce de signification, hors celle de solenniser, précisément,
la capacité de certains à une certaine pratique de la sexualité, pourquoi
ne pas concéder à d’autres, s’ils y tiennent, l’égale officialisation,
sinon de leur incapacité à cette même pratique, au moins de leur
catégorique et prévisiblement irréversible préférence pour une autre ? Ce
dont rien ne s’accommode mieux, notons-le en passant, que l’homophobie au
sens le plus littéral, puisqu’il est caractéristique d’une phobie qu’elle
ne redoute rien tant que la dissimulation de ce qu’elle redoute... En
revanche, la majorité s’inverse dès lors qu’on parle d’homoparentalité,
c’est-à-dire qu’on prétend arguer de cette extension du mariage pour lui
restituer (régressivement, cette fois) la coordination et même la
subordination de la conjugalité à la parenté. Autrement dit, on ne trouve
rien à redire à une dilution progressive du sens du mariage civil. Ce qui
est spontanément refusé, c’est que le non-sens qui en résulte s’étende
aussi à la filiation, c’est-à-dire que la fiction en soit imposée à des
sujets de droit qui ne pourraient, par définition, y avoir consenti. C’est
là que la notion de mariage se voit d’un coup reconduite à son sens
propre : un droit qui est dû à tout enfant à naître, à savoir que lui soit
ouvert un égal accès, dans la figure de ses parents, et à l’homme, et à la
femme, et à leur partage de la responsabilité de sa procréation, non pas
seulement comme d’un acte ponctuel, mais définitif autant que décisif et
qui les engage à son égard, au moins jusqu’à son émancipation.
Mais on l’a dit, c’est en premier lieu dans l’expression même d’un
« mariage homosexuel » que se loge l’absurde, implicatif de toutes les
contradictions qui s’ensuivent.
Mais s’en moque-t-on tellement ? Et pourquoi tenir tant, alors, à ce mot
de « mariage », si ce n’est pour ce qu’il signifie encore d’implicite
fécondité ? D’où la revendication, derrière, non pas seulement de
l’adoption, mais bien d’une filiation qui se doive toujours plus égale à
celle d’un authentique mariage.
Tout « mortel », c’est-à-dire tout humain, demeure, au-delà de sa mort, un
enfant et dont survit l’enfance à la mort, autant que de sa naissance la
source vitale, en ses parents, déborde sa naissance et le flux de sa
filiation. Il n’y a qu’en une telle assomption de son animalité qu’il
puisse la dépasser sans la contredire et par là reprenant à son compte,
afin de la déchiffrer, l'énigme de sa naissance, de cette multiplication,
l'un par l'autre, de l'un et de l'une qui seule donne trois, véritablement
ainsi accomplir l'unique sens dans lequel il y en ait à se vouloir, pour
ainsi dire, divin : à soi-même sa propre cause.
Encore deux observations.
D’abord, qu’il soit permis à un esprit libre de s’étonner de ce qu’on
puisse vouloir se cataloguer « homosexuel ». Comment définitivement
exclure de se voir jamais attiré par l’autre sexe ?
La seconde observation est liée à la première : elle porte sur le
déterminisme que présume l’autorestriction à l’homosexualité, une
démonstrative illustration du caractère prophétique de la sentence de
Pascal que l’homme n’étant « ni ange ni bête », le malheur veuille qu’à se
prétendre angélique, en ce qu’abstrait d’aucune sexuation, il fasse en
réalité « la bête », ici asservi à une détermination sexuelle supposée le
définir. Et plus encore qu’il ne le récusait de sa sexuation.
Malheureusement, c’est l’éternelle histoire de la malédiction du vœu
exaucé : le plus haut que l’homme puisse concevoir de l’homme sera
toujours tributaire du plus bas d’où il l’aura conçu. Et il n’est donc pas
exclu que nous n’ayons rien à redouter de pire que le mieux que nous
serions en état de nous souhaiter – y compris, une fois là, de le prendre
pour le mieux !
L’insurrection n’aura sans doute pas lieu. Du moins prévisiblement pas sur
ce motif, même s’il est le plus révélateur d’une délégitimation qui la
légitimera sur n’importe quel autre.
Ave et vale !
|
Pour télécharger ce texte au format PDF, cliquer ici | ||||
Il revient par excellence au droit de redresser –
voire d’annuler : par exemple, un contrat obtenu par chantage.
Peut-être
faut-il commencer par le rappeler : s’aimer n’a jamais donné aucun droit.
Considérer que le simple fait de s’aimer, voire d’entretenir une relation
sexuelle régulière avec une (ou pourquoi pas plusieurs) même(s)
personne(s), donne droit à une protection juridique, à des avantages
sociaux et fiscaux, conduirait à des aberrations. Les amours les plus
farfelues s’en trouveraient financées par la collectivité
nationale, la polygamie devrait être reconnue et les demandes en
reconnaissance de droits deviendraient aussi nombreuses, changeantes et
éventuellement contradictoires que les fluctuations du sentiment amoureux.
Le droit, au contraire, a pour fonction, entre autres, de permettre une
stabilité dans la sécurité. Que deux personnes s’aiment ne crée aucun
devoir de la société à leur égard, car c’est sans incidence pour elle, si
ce n’est au sens où lui serait sans doute plus avantageux que tout le
monde s’aime (ce qui n’induit nullement que tout le monde s’épouse). 2ème motif : Contradiction du sens du droit
Ensuite, on ne saurait subordonner le droit au fait –et encore moins là où
le fait contrevient à la loi : de ce qu’il y ait des enfants qui se
trouvent en situation d’homoparentalité, on veut conclure, contre tout
sens juridique, qu’il faudrait l’ériger en modèle possible à valeur
normative. Mais il existe aussi des orphelins dépourvus de parents
adoptifs, des enfants fugueurs, des adultes fraudeurs ou consommateurs de
drogues, on n’érige pas pour autant ces situations de fait en normes, bien
entendu.
3ème
motif : Contradiction du sens de l’évolution actuelle du droit
Il ne s’agit pas de nier que certains droits doivent naître de l’évolution
des faits, pour éviter un vide juridique. Il y a cependant une différence
entre l’adaptation de la normativité du droit aux évolutions des
comportements ou situations de fait (laquelle adaptation peut elle-même
donner lieu à une évolution jurisprudentielle du droit) et la conversion
d’une situation de fait en une situation de droit, au seul motif qu’elle
serait de fait.
4ème
motif : Contradiction du principe
d’égalité
MAIS SURTOUT, ce qu’il s’agit là de rendre normatif, c’est l’exclusion de
l’autorité parentale de l’un
au moins des parents biologiques sans aucune autre justification objective
que sa différence sexuelle, ce qui est une discrimination de principe, que
la victime en soit consentante ou non –et qu’elle appartienne à l’un ou à
l’autre des deux sexes (deux discriminations opposées n’équivalent
aucunement à une absence de discrimination, pas plus que deux racismes
réciproques ne s’annulent). Car ce qui est proposé n’est pas seulement
d’enregistrer comme une donnée à traiter juridiquement la réalité d’une
parentalité dissociée de la parenté, par accident ou par défaut, mais bien
d’institutionnaliser a priori leur dissociation, en la posant comme
normative et, dans le cas de l’homoparentalité, au détriment de l’un ou
l’autre des deux sexes en tant que tel.
5ème
motif : Contradiction de l’irréductibilité (constitutive de tout sujet de
droit) de la personne à un moyen
Exclure
normativement de la parentalité celui des deux sexes qui se trouverait
normativement exclu de la conjugalité, ce serait en outre, et dans le sens
de sa discrimination, normativement le réduire à sa seule fonction
instrumentale d’agent de reproduction.
6ème
motif : contradiction du sens républicain du mariage et du droit de
l’enfant
Le fondement d’un statut civil du mariage et de la contribution sociale
qui lui est dévolue, c’est qu’il instaure les conditions objectives les
plus socialement favorables à la possibilité de la procréation et de
l’éducation : de toutes ces conditions, la première à laquelle soit
intéressée la société, a fortiori une société républicaine, c’est la
jouissance par l’enfant d’un droit spécifique à l’expérience la plus
précoce et la plus durable du plus d’égalité dans le plus de différence,
et en particulier dans la différence entre les sexes qui est la plus
constitutive de sa propre génération en ce qu’elle a de commun avec celle
de tout sujet humain.
7ème
motif : Détournement du sens de l’égalité
On ne saurait, sans rompre avec l’esprit du droit qui inspire toute notre
tradition juridique, substituer à l’égalité entre les sexes une égalité
entre les sexualités, c’est-à-dire entre plusieurs comportements ou
conduites : le principe d’égalité n’a jamais signifié une égalité entre
comportements, par exemple ceux du gendarme et du voleur, mais aussi de
l’entrepreneur et de l’enseignant, de l’architecte et du chirurgien, etc.
L’explicitation, au contraire, des raisons de l’inconstitutionnalité du
projet de loi en cause et de son incompatibilité plus générale aussi bien
avec les principes normatifs d’une société républicaine qu’avec les
fondements les plus élémentaires du droit présente l’avantage insigne de
permettre, à cette occasion, non seulement de rappeler, mais de clarifier,
en la précisant et en l’actualisant, la très profonde, rigoureuse et, plus
que jamais, révolutionnaire cohérence du mariage civil, sous le régime
d’une République.
|
Pour télécharger ce texte au format PDF, cliquer ici | ||||