| Les 
          conséquences du rejet du TCE | 
| Et maintenant 
        ?  | 
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| Suites... | |||
|        C’est vrai que plus je l’analyse 
          et que plus j’en étudie les critiques, aussi, et cherche 
          à les comprendre, plus géniale m’apparaît, 
          et génialement pertinente, je ne dis pas la Constitution de la 
          Vème République, sans doute améliorable sur 
          plus d’un point, et d’ailleurs conçue pour l’être, 
          mais précisément ce qu’on cherche à toute 
          force à en remettre en question, à savoir sa structure 
          générale de l’organisation des pouvoirs : de 
          toute évidence le fruit d’une très longue et très 
          profonde maturation qui puise à des siècles d’expérience 
          et de réflexion politiques pour finir par prendre corps, à 
          un moment de notre Histoire, dans une communauté bien sûr 
          limitée de personnes singulières, mais dont la singularité 
          tient d’abord à cet enracinement même et à 
          une commune volonté d’assumer enfin pleinement et lucidement 
          l’incroyable défi de l’idéal républicain 
          dans un monde auquel il semble, il a toujours semblé, il ne peut 
          que sembler insensé, voire intolérablement perturbateur. 
                  Je me suis efforcé dans 
          « La voie 
          française dans le monde qui vient » d’expliquer 
          positivement le sens et l’intérêt que je voyais à 
          une telle construction, et dans l’absolu, et au regard de notre 
          Histoire, de la totalité de notre Histoire, monarchie comprise, 
          dont la Révolution ne s’est pas voulue un pur et simple 
          effacement, mais un renversement et un dépassement, et d’abord 
          dans le transfert ou l’extension de la souveraineté politique, 
          de la personne royale à celle, collective, de la nation. Puis 
          j’ai tenté d’approfondir, dans mes «Eléments 
          de réflexion…» sur l’élection 
          présidentielle directe, le sens qu’il me semble devoir 
          donner aussi bien à la fonction présidentielle que, plus 
          fondamentalement, à l’acte même de voter. C’est 
          là que j’ai parlé de la « souveraineté 
          du suffrage populaire » et, pour ceux qui m’auraient lu, 
          je ne pense pas être suspect, sur cette question, d’une 
          quelconque forme d’anti-populisme, plus ou moins élitiste.        Je ne procède à cette 
          mise en perspective que pour inscrire ce qui suit dans une cohérence 
          d’ensemble, non pour obliger le lecteur à s’y référer 
          : bien au contraire, je ne supposerai rien de connu, dans ce qu’on 
          va lire, de ce que j’ai déjà pu écrire sur 
          le sujet et que je ne craindrai pas de reprendre, si besoin est, de 
          préférence avec plus de clarté que précédemment. 
           I- Contre la loi du grand nombre 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 II- La vertu du droit 
 
 
 
 
 
 
 III- Une lecture schizophrénique de la séparation des pouvoirs 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 VI- L’implicite primauté du pouvoir judiciaire 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 VII- L’avènement de l’élection présidentielle directe 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 VIII- La séparation au-delà de la limitation 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 IX- Constitutionnalité d’une Constitution, selon l’article 16 de la Déclaration 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Apostilles 
        Tout d’abord justement sur 
          la clarté, ou plutôt le défaut de clarté 
          ou de lisibilité, même, de certains passages de mes développements 
          : j’en suis très sincèrement désolé. 
          Je suis conscient que j’économiserais sans doute le temps 
          de mes lecteurs si j’avais moi-même celui d’être 
          plus lent et donc plus progressif, quitte à en devenir aussi 
          beaucoup plus long. Il y a une espèce d’incivilité, 
          au sens le plus fort du terme, dans ce déséquilibre des 
          deux temps, celui de l’écriture et celui de la lecture, 
          l’excès de celui que je demande et le défaut de 
          celui que j’ai à donner. Significatif me semble, a contrario, 
          l’extrême et constant souci de clarté qui caractérise 
          l’usage traditionnel de la langue française, comme si elle 
          se préparait depuis toujours à cette exigence de communicabilité 
          universelle immédiate que requiert en propre l’idéal 
          d’une fraternité républicaine.        Voilà donc ce qui me permettait 
          d’arguer, dans mon avant-propos, d’une cohérence 
          de longue haleine qui devrait à tout le moins attester de mon 
          effort de réflexion.  Maintenant, sur le présent texte, je tiens à préciser plusieurs points.        Un lecteur d’Etienne Chouard 
          n’aura pas manqué d’y reconnaître ma référence 
          oblique à son propre travail et une claire divergence d’avec 
          lui, me semble-t-il, à peu près sur tous les sujets abordés 
          (du moins comme il les abordait à l’époque déjà 
          trop lointaine, je lui en demande encore pardon, où il avait 
          sollicité ma lecture critique de ses premiers développements 
          quant aux « grands 
          principes d’une bonne Constitution », alors 
          que j’étais moi-même hors d’état de 
          m’en acquitter de la façon dont j’aurais voulu et 
          dont j’espère m’approcher un peu dans ce texte qu’en 
          tout cas, je lui dois donc entièrement).         C’est dire que l’aspect 
          parfois pamphlétaire de mon expression ne signifie pas une entrée 
          en polémique. Je concède la subtilité de cette 
          nuance, mais il me semble que la polémique suppose un antagonisme 
          entre deux partis, alors que moi, je ne vois personne (à quelques 
          rares exceptions près) dont je ne me sente, au moins sur le plan 
          théorique, résolument distant. Encore une fois, je ne cherche à forcer 
          aucune liberté. Seulement à être entendu.  | 
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|         Problème 
          : étant admis que, pour un peuple résolu à ne pas 
          se laisser assujettir par une puissance extérieure à sa 
          volonté, il est nécessaire de se doter d’un Etat 
          fort et donc d’un chef d’Etat dont la légitimité 
          se fonde, au moins pour une part, mais pour une part décisive, 
          sur sa propre élection au suffrage universel direct, comment 
          prévenir la possibilité qu’un candidat ayant obtenu 
          moins de 20% des suffrages exprimés lors d’un premier tour 
          de scrutin soit finalement élu à plus de 80% et cela, 
          sans aucun débat démocratique entre-temps ni aucune prise 
          en considération d’une telle défaveur populaire 
          dans l’explicitation de son programme ?  
         L’enjeu est de permettre 
          au peuple d’exprimer un choix le plus positivement conforme à 
          sa volonté.  
 
 1- La méthode Condorcet         Le premier suit la méthode 
          préconisée par Condorcet dès 1785 dans son « 
          Essai sur l’application de l’Analyse à la probabilité 
          des décisions rendues à la pluralité des voix 
          ». On considère que le classement de chaque bulletin contient 
          une réponse de l’électeur à toutes les alternatives 
          entre deux quelconques des candidats classés : (c>a>b) 
          –> (c>a), (a>b) et (c>b). Il n’y a plus qu’à 
          calculer lequel, de tous les candidats, aura été le plus 
          préféré aux autres.  
         Un deuxième procédé 
          peut sembler surmonter cette objection qui n’est pas seulement 
          d’ordre technique (ni la seule de cet ordre), mais d’abord, 
          à mes yeux, normative : c’est celui (connu sous la détermination 
          incongrue de « vote alternatif ») qui consiste à 
          se fonder, cette fois, sur la position accordée par chaque électeur 
          à chacun des candidats relativement à l’ensemble 
          des autres, mais pour s’en tenir à la recherche d’une 
          majorité absolue parmi les seuls premiers de chaque liste, à 
          défaut de laquelle, au terme du premier décompte, se voit 
          éliminé de toutes les listes le plus minoritaire des premiers, 
          tous ceux qui le suivent, selon les différents ordres de chaque 
          liste, montant alors d’un rang et ainsi de suite, jusqu’à 
          ce que, dans l’ensemble des candidats parvenus en tête à 
          l’issue de cette succession de désistements mécaniques, 
          s’en dégage nécessairement un qui recueille la majorité 
          recherchée.  
         Reste une troisième possibilité 
          qui échappe aux aberrations des deux premières : celle 
          du vote « pondéré » où la majorité 
          ne résulte que de la simple considération de la position 
          de chacun des candidats dans chacun des classements.  II- Apologie de la pondération 
 1- La physique politique de Borda         On doit la réactualisation 
          de ce système (déjà utilisé par le Sénat 
          romain) et sa théorisation (dès 1770, avant celui de Condorcet, 
          puis contre lui) à un personnage remarquable, exceptionnellement 
          polyvalent et inventif, en matière technique aussi bien qu’en 
          mathématiques et en physique, navigateur et militaire, en outre 
          capable d’un courage héroïque, l’un de ces prestigieux 
          héritiers, au siècle des Lumières, du Grand Siècle 
          (il est né en 1733), le chevalier Jean-Charles de Borda.  
         Il faut en effet d’abord 
          prendre en compte (parmi d’autres considérations convergentes) 
          que, si on se place dans l’hypothèse la plus simple d’une 
          réponse à une alternative donnée (par exemple : 
          approuvez-vous la déclaration de l’état d’urgence 
          dans telle situation), ce n’est pas la proportion de la majorité 
          qui permet d’indiquer l’intensité de l’adhésion 
          de chacun des votes qui la composent à celle des deux options 
          choisie. Une majorité dite « massive » peut n’être 
          que volumineuse, et d’un volume aussi volatil que léger, 
          c’est-à-dire exprimant une inclination infime et quasi 
          forcée de chacun de ses composants, face à une minorité 
          dont la masse peut être bien supérieure à celle 
          de ce volume.  
         En revanche, plus se multiplient 
          les options pour un même scrutin, plus la pondération de 
          chacune devient effectivement pondératrice en même temps 
          qu’expressive du sens et de l’orientation qui président 
          à sa position dans chacun des classements. Digression anecdotique         A l’opposé d’une 
          légende qu’un mixte incertain d’ignorance et d’incurable 
          ressentiment à l’égard de de Gaulle et de "sa" 
          Constitution tend aujourd’hui encore à divulguer en diverses 
          publications s’efforçant d’en accréditer la 
          vision d’un bricolage institutionnel plus ou moins malhonnête 
          et improvisé à la va-vite, je tiens d’abord à 
          signaler que le principe du vote par classement à valeur directement 
          décisive a bien été envisagé lors de la 
          délibération du gouvernement sur le mode le plus souhaitable 
          de scrutin à proposer pour l’élection du Président 
          de la République au suffrage universel. Et quand je dis « 
          le plus souhaitable », il est clair que ce n’était 
          pas pour la personne de de Gaulle dont il était, à l’époque, 
          difficilement imaginable que l’élection ne se fût 
          pas accommodée de n’importe quel système électoral 
          –considération qui devrait au moins porter à un 
          degré d’impartialité suffisant pour en juger raisonnablement 
          l’examen du système adopté.  III- Retour au fondement du vote 
 1- En amont de la démocratie         Il faut commencer par dissiper 
          un malentendu. Si le régime politique de la démocratie 
          implique bien le vote comme processus plus ou moins directement fondateur 
          d’une décision ou de la délégation d’un 
          mandat décisoire, cette implication n’est nullement réciproque 
          : un vote n’a rien, en soi, de spécifiquement démocratique 
          –et en cela, même dans ses plus strictes conditions de régularité, 
          il n’est pas du tout à lui seul une garantie de démocratie. 
           
         Car une distinction s’impose 
          maintenant : la volonté fondatrice de s’en remettre au 
          vote modifie en profondeur le sens de la détermination selon 
          laquelle chacun s’engage sur la décision à prendre 
          et qu’il exprime par son vote.  
         Je dois toutefois immédiatement 
          me garder d’un nouveau contresens : quand je dis que l’expression 
          d’un vote se limite à celle d’un vœu, cette 
          limitation n’affecte que le mode selon lequel s’exprime 
          la détermination qui était celle de la volonté 
          –elle ne l’atténue en rien, et bien au contraire 
          !  IV- Le paradigme d’Aristide 
 1- L’invention de l’isoloir         Je commencerai par observer que, 
          comme on connaît les athéniens, il n’est pas du tout 
          dit que la réponse du paysan soit à prendre davantage 
          à la lettre que celle d’Ulysse à Polyphème 
          lui demandant son nom : « Personne » se moque Ulysse «aux 
          mille tours»…avec plusieurs d’avance pour l’heure 
          où, lui ayant crevé l’œil, il en ferait la 
          risée des autres cyclopes accourus s’enquérir du 
          responsable.  
         Celui qui vote est supposé 
          affranchi de tout conditionnement, et non pas seulement externe, mais 
          interne, et moral aussi bien que rationnel, affranchi par conséquent 
          aussi de sa propre personnalité, je veux dire de tout ce qui 
          le distingue de tout autre. Et c’est très précisément 
          la supposition de cette inconditionnalité de sa liberté, 
          où il est seul à se déterminer, qui le suppose 
          en même temps l’égal de tout autre, au sens où 
          il est, en effet, potentiellement n’importe quel autre : où 
          il ne se détermine que sur le fondement d’une indétermination, 
          d’une illimitation dans laquelle s’abolit sa distance à 
          quelque autre que ce soit, où il est, à la lettre, "égal" 
          que ce soit lui ou un autre qui se détermine, dans le pur anonymat 
          de l’isoloir, baptistère d’une espèce de mort 
          à soi-même pour une renaissance à la liberté 
          des égaux constitutive de la République, il est égal 
          que ce soit lui ou un autre qui échappe ainsi publiquement à 
          la vue de tous –en quoi se révèle une fraternité 
          plus profonde que de prime abord, du paysan d’Aristide à 
          Ulysse quand, se rebaptisant « Personne », il se 
          revendique aussi bien, non pas certes « Le Juste », 
          mais n’importe qui.  
         Et j’en 
          viens maintenant, sur le sujet, à ce que je tenais le plus à 
          dire : c’est que, non seulement la stricte possibilité 
          de l’irrationnel participe de l’entière liberté 
          du vote, mais qu’à ce titre même, elle peut s’avérer 
          d’une fécondité vitale pour la détermination 
          de cette liberté.    
 1- Recentrement sur le sens du vote         Je reviens encore une fois sur 
          la possibilité fondatrice de l’irrationalité du 
          vote. J’espère avoir montré que, si le vote le plus 
          irrationnel valait autant que le plus rationnel, alors il fallait en 
          conclure qu’a fortiori tout vote en valait n’importe quel 
          autre. C’est le fondement de l’égalité des 
          voix, si choquante pour ceux qui ne comprennent pas qu’un vote 
          ne vaut pas en tant qu’il serait l’expression d’un 
          jugement plus ou moins compétent, mais d’un vœu, qui 
          relève d’abord de la liberté de la volonté, 
          dans la décision de voter, puis de celle du désir dans 
          le contenu du vote, et non d’une intelligence ou d’une raison 
          plus ou moins bien formée ou informée.  
         Il nous faut donc prendre en compte 
          qu’il y a, dans toute élection, pour tout électeur 
          qui ne s’est pas proposé lui-même au suffrage, un 
          acte fondamental de reconnaissance, dans un autre que soi, d’une 
          liberté, sinon plus apte, au moins plus disposée que la 
          sienne à se mobiliser entièrement sur un projet de service 
          du bien commun conforme à l’idée qu’il s’en 
          fait. 
 Mais quoi qu’il en soit de la médiocrité d’un élu sans foi ni loi et de l’énormité de son inconduite, seule son élection directe par le peuple peut lui donner le pouvoir d’en référer directement à lui, et précisément au pire de sa délégitimation, et ne serait-ce que dans le pire dessein d’un pari sans frais sur la restauration de son crédit. De sorte que cette solidarisation objective d’un homme à sa nation, et ainsi conçue, je veux dire selon ce rapport direct au peuple, et potentiellement réciproque, le grandit malgré lui bien au-delà de l’indignité de sa personne –l’actuelle absence de vergogne au pouvoir en est une démonstration a fortiori –et elle va jusqu’à lui conférer une forme de sacralité toute laïque dont le fondement tient à la matière même de son investiture. a- La prouesse de Winkelried         C’est qu’il y a là 
          une dimension sacrificielle que chacun ressent bien, plus ou moins confusément. 
          Sinon, est-ce que la seule réaction saine à la déclaration 
          de candidature de qui que ce soit pour présider, où que 
          ce soit, aux destinées de tous les autres, ne devrait pas se 
          traduire par un immense éclat de rire collectif ? Pareille prétention 
          suffirait à discréditer quiconque l’affiche. b- L’anti-"logique du marché"         L’Histoire qui se joue peut 
          évidemment toujours se lire à différents degrés 
          de hauteur, de largeur ou de profondeur. N’empêche que le 
          plus roué des candidats n’en sera encore que le plus niais 
          s’il ne se doute pas que, du plus court au plus long terme, le 
          cruel matois qui ne dort jamais que d’un œil, au tréfonds 
          du bon peuple, ne guette que celui dont il pourra se faire son meilleur 
          Winkelried. Non pas certes simplement quelque héroïque victime 
          (attention, tout de même, c’est aussi une pose où 
          le nouveau Vizir excelle !), mais un homme à l’envergure 
          d’une brassée de première ligne de lances et qui 
          lui manifeste une dévotion, non pas à lui, mais à 
          la nation et à son Histoire tout entière, digne d’un 
          tel vote.  c- Le temps de l’élection         Je concède la rareté, 
          l’improbabilité sans doute, que le prétendu modèle 
          du marché se hisse, à l’occasion d’un vote, 
          jusqu’au degré d’accomplissement, de noblesse et 
          de beauté d’un tel marché, pareillement faussé, 
          de pareilles fausses dupes. Mais si exceptionnelle qu’en demeure 
          la possibilité, elle suffirait à elle seule à fonder 
          l’institution des conditions ordinaires à défaut 
          desquelles, simplement, elle serait exclue, à cette échelle 
          en tout cas, la seule qui lui donne toute sa portée.          J’ai longtemps 
          cru que Chirac serait le fossoyeur de la Vème République 
          et, en particulier, de sa définition de la fonction présidentielle 
          : j’en suis à me demander s’il ne devient pas au 
          contraire, à proportion de sa croissante inconsistance, la meilleure 
          preuve de la validité du statut qui lui confère, pratiquement 
          malgré lui, ce qu’il conserve encore d’autorité, 
          à laquelle même ses plus farouches opposants n’ont 
          cessé de recourir dans les moments de crise que nous venons de 
          traverser.  
 
 1- L’heure de vérité de la démocratie         Il s’agit donc, premièrement, 
          de satisfaire au maximum raisonnable de probabilité d’une 
          telle rencontre en commençant par se conformer au principe, qui 
          est effectivement le nôtre, d’un maximum de liberté 
          en même temps que de responsabilité des initiatives de 
          candidature, sans autre souci du degré de démarcation 
          réelle des différentes options qu’elles proposent, 
          ni donc du risque de dispersion des voix favorables à une même 
          option générale sur plusieurs concurrentes : ce genre 
          d’appréciation ne revient, en dernière instance, 
          qu’à l’ensemble des électeurs, et selon des 
          critères ne relevant, là encore, que de la liberté 
          de chacun.          Encore ne serait-ce qu’un 
          correctif qui ne résoudrait pas, quel qu’en fût le 
          gain, le seul vrai problème : plus abondantes sont les options, 
          plus leur est difficile de se développer, non seulement selon 
          leurs positivités respectives, mais chacune à l’épreuve 
          de toutes les autres et, mieux encore, de chaque autre et dans un ordre 
          qui n’en favorise aucune, sans compter la difficulté pour 
          chaque électeur d’apprécier, dans ces conditions, 
          la mesure dans laquelle chacun des candidats satisfait bien, tout au 
          long de ses confrontations, au principe logique élémentaire 
          de ne jamais se contredire en en contredisant aucun autre. C’est 
          pourquoi tous les systèmes de vote par classement consistent 
          à renvoyer à l’électeur la charge de ce travail 
          d’information, d’explicitation et de confrontation qu’il 
          revient à l’initiative des candidats de soutenir et d’alimenter 
          à proportion de leurs capacités respectives de diffusion 
          et de mobilisation. Reste qu’il y manque toujours l’épreuve 
          du débat démocratique, non seulement d’idées, 
          à portée de purs esprits, mais bien d’homme à 
          homme et à l’adresse de tout un peuple assemblé, 
          un débat où s’évalue à quel degré 
          d’authenticité quel homme est capable de porter, audiblement 
          à tous, quelle idée, le débat dont il n’y 
          a que l’élection présidentielle directe qui ouvre 
          la possibilité.          C’est là le moment 
          démocratique par excellence. Même dans une agglomération 
          de moins de 50 000 citoyens, telle que l’Athènes du Vème 
          siècle, la démocratie n’est pas un régime 
          où chacun serait Périclès, vingt-quatre heures 
          sur vingt-quatre et trois cent soixante cinq jours par an (tant qu’à 
          cultiver l’anachronisme, autant nous en tenir à notre calendrier). 
          C’est tout de même un régime où Périclès 
          permet à Phidias de s’occuper d’autre chose que de 
          politique ou des "affaires de la cité" –grâce 
          à quoi, du reste, nous avons une idée de la tête 
          de Périclès. Et tant mieux, entre autres parce qu’il 
          se trouve que, tout en étant vraiment un démocrate, ce 
          n’était vraiment pas n’importe qui, de sorte qu’on 
          m’estimera peut-être futile, mais je suis plutôt content 
          de savoir à quoi il ressemblait. Et je ne parle pas de Sophocle, 
          d’Euripide, etc., etc. (et là, il ne s’agit plus 
          seulement de leur tête, mais surtout de ce qui en est sorti !). 
           2- A l’aune d’une conception héroïque de l’idéal républicain Le problème est seulement, pour une démocratie de la dimension de la nôtre, de se ménager les conditions d’accès et d’exercice du pouvoir les plus favorables à l’émergence de la liberté qui en sera la plus digne. L’impersonnalité constitutive du vote, ou son anonymat, n’implique nulle dépersonnalisation de l’autorité qui doit en émaner : quelle triste, insipide, paralytique et inhumaine démocratie que celle d’une telle démonocratie du ressentiment à l’égard de tout ce qui se distingue et, en général, de toute espèce de force, voire de toute supériorité, qu’elle soit intellectuelle, morale, politique militaire, judiciaire, etc. On ne sert pourtant pas davantage les plus faibles en se désarmant, non plus qu’on ne soigne un malade en s’inoculant son virus (je veux dire qu’à tout prendre, il est tout de même préférable que ce soit un bon nageur qui plonge pour sauver l’enfant de la noyade, s’il s’en trouve un). Mais le souci des plus faibles n’entre pas pour beaucoup dans cette aversion instinctive à reconnaître quelque force et quelque autorité que ce soit. Sinon diluées dans l’irresponsabilité d’une masse cotonneuse indistincte, justement caractéristique des totalitarismes dont on ne cesse de nous brandir l’épouvantail. Et avec plus de raison qu’on ne pense, d’autant plus que toujours à contresens.         « De toutes les matières, 
          nous serinent europouistes et supranationonistes confondus, c’est 
          la ouate que je préfère ». On n’empêchera 
          jamais cette fascination de la ouate, chez les ouon-ouons. Elle signifie 
          seulement que la démocratie, elle aussi, elle surtout, a besoin 
          de héros qui l’arrachent à son éternelle 
          tentation du coton, de la filasse et, à terme, du fulmicoton. 
          Et on sent bien que ce qui les enfulmine déjà, nos ultra-pseudo-démo, 
          c’est justement cette seule idée du héros, de la 
          moindre tête qui dépasse.         Mais l’idéal de la 
          démocratie et de l’égalité, même des 
          conditions, c’est-à-dire de ce que j’appelle République, 
          je ne le trouve pas, quant à moi, dans un tel minable ramassis 
          mortifère de moutons envieux que tyrannise déjà 
          la peur de la tyrannie. La République est héroïque, 
          ne le sait-on pas ? Comment ne le serait-elle pas, étant donné 
          ce qu’elle veut ! Elle l’est tellement qu’elle se 
          reconnaît ses propres héros, les manuels de la IIIème 
          en témoignent, jusqu’en amont de la royauté incluse 
          : Vercingétorix ou Jeanne d’Arc, autant que ceux de la 
          Révolution et à suivre. Et à ce point juste pour 
          leur seul héroïsme que c’en est à se demander 
          si elle ne les admire pas davantage, si elle ne les préfère 
          pas encore vaincus que dans la victoire. Vaincus et donc vains.  
         Entendons-nous bien, je ne jette 
          la pierre à personne (ils seraient fichus de me la rapporter 
          !). Je ne dis pas que ce n’était pas le mieux à 
          faire, la situation étant ce qu’elle était. C’est 
          qu’elle puisse l’être qu’il faut empêcher 
          : je demande un troisième larron, à ce deuxième 
          tour, et donc un troisième tour. a- Nécessité de trois candidats au deuxième tour         Pourquoi seulement trois au deuxième, 
          et non pas quatre ou davantage ? D’abord parce que je veux les 
          voir chacun au moins une fois seul à seul face à chacun 
          des autres, ce qui implique déjà six débats pour 
          quatre candidats (dix pour cinq, et quinze pour six !), le nombre de 
          trois candidats étant donc le seul qui limite au leur celui de 
          leurs débats. Et encore faut-il corriger le déséquilibre 
          induit, lors du deuxième débat, de ce que l’un en 
          soit au deuxième et l’autre à son premier, en ménageant 
          une quatrième confrontation à trois où chacun puisse 
          en être à son troisième et ainsi en situation de 
          répondre, à chacun des deux autres, de la cohérence 
          de sa double opposition à l’un et à l’autre. 
           b- Nécessité d’un troisième tour         Mais il faut aller jusqu’au 
          bout de cette logique : des trois candidatures en présence, il 
          est naturel que ce soit la plus extrémiste qui ait le moins de 
          mal à se démarquer des deux autres, surtout si elles représentent 
          l’une et l’autre deux tendances appartenant à une 
          même orientation générale opposée à 
          la première. Il est donc hors de question que celle-ci puisse 
          tirer avantage d’une division des voix de l’orientation 
          éventuellement majoritaire pour l’emporter par une majorité 
          simplement relative, comme ce pourrait être le cas si l’on 
          en restait à une élection à deux tours. Il est 
          par conséquent nécessaire de prévoir un troisième 
          tour où ne soient retenus que les deux premiers du précédent. 
           c- Réponse élégante à une futile objection technique         Il est vrai qu’on sous-estime 
          toujours la capacité de mépris, de cynisme ou de mauvaise 
          foi qui n’a cessé d’être celle des ennemis 
          de la démocratie. C’est pourquoi je voudrais un instant 
          m’amuser à prendre au sérieux l’objection 
          qu’ils ne manqueraient pas d’adresser à cette proposition 
          de réforme du scrutin de l’élection présidentielle 
          directe si elle parvenait jamais jusqu’à la hauteur de 
          leurs sphères : très prosaïquement le coût 
          de l’opération. Deux tours passe encore (quoique j’aie 
          entendu s’offusquer une autorité journalistique de ce que 
          nous soyons, m’a-t-elle appris, la risée de toute l’Europe, 
          « étant les seuls en Europe…» – toujours 
          la fameuse flétrissure : ils ont l’esprit si bas qu’ils 
          n’imaginent même pas combien nous flatterait que ce fût 
          seulement vrai ! – à devoir attendre quatre tours, en comptant 
          les législatives, avant de savoir qui nous dirigera…), 
          mais un troisième…bonjour les dégâts, et d’abord, 
          donc, matériels !          Je suggère donc, après 
          beaucoup d’autres –et dès avant le 21 avril 2002– 
          une élection présidentielle directe à trois tours 
          et, plus précisément, dont le premier soit aussi ouvert 
          que possible, éventuellement traitable par la pondération 
          de Borda, le deuxième, à trois candidats et le troisième, 
          inéludable, y compris en cas de majorité absolue de l’un 
          des trois au deuxième. 
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| Face au déni de droit que représente l’entêtement du Parlement européen à refuser, après le Conseil européen (cf. texte V), le rejet du TCE par la France et la Hollande, pour nous, simples citoyens, deux réactions s’imposent.        La première, c’est 
          de nous mobiliser, lors des prochaines élections européennes, 
          pour ne voter qu’en faveur des listes présentées, 
          soit par les seuls partis dont nos députés se sont opposés 
          à la décision du 19 janvier, c’est-à-dire 
          le parti communiste, si on est de gauche ou si on refuse de voter de 
          Villiers ou Le Pen, ou de Villiers si on n’est pas un électeur 
          du Front National, soit pour une liste qui se serait expressément 
          constituée sur le principe de la caducité du TCE –en 
          sachant que ce mouvement a toutes les chances de s’étendre 
          à l’ensemble des peuples européens.  Mais le signe le plus fort que nous puissions adresser à l’ensemble des institutions européennes contre leur commune prétention à une ratification forcée de ce texte, c’est précisément notre Constitution qui nous le permet, en nous dotant du droit d’élire notre Président au suffrage universel direct. Il faut que nous soyons bien conscients que toutes les élites européistes sont suspendues à notre échéance de 2007, dans l’espoir avoué que l’ordre de nos priorités nationales et une certaine réputée indifférence aux questions européennes conduiront les Français à l’inconséquence d’élire un chef d’Etat qui serait disposé, comme a déclaré l’être, lors de ces débats, Nicolas Sarkozy, à passer par la seule Assemblée Nationale pour adopter la part proprement institutionnelle du Traité, toute sa partie économique n’ayant pas à être mise en cause puisqu’elle fait déjà l’objet de traités antérieurs (C’est donc à la fois présumer que nous ne nous serions opposés qu’à celle-ci, tout en la maintenant et en nous retirant tout de même le droit, pour plus de précaution, de nous prononcer spécifiquement sur le reste ! Voilà qui éclaire d’un jour assez cru l’idée sarkozienne de la démocratie et du suffrage populaire). Notre seconde réaction doit donc être de n’élire à la Présidence qu’un candidat qui se sera engagé, en termes explicites, à refuser de contourner d’aucune façon la décision référendaire du 29 mai, c’est-à-dire à se conformer à l’alternative qu’elle ouvre : soit de renoncer à une Constitution européenne, soit d’accepter que le projet qui nous en a été présenté cesse enfin de l’être comme le nec plus ultra du possible, une perfection non moins surnaturellement incorrigible que les Tables de la loi mosaïque et cela, comble du grotesque, alors même que certains de ceux qui ont eu à y travailler ont le bon sens et le minimum de décence ou de lucidité de le reconnaître, dès à présent, modifiable et améliorable, comme toute œuvre d’origine, malgré tout, humaine.        Il faut mettre un terme à 
          cette prétention bouffonne de nous faire croire qu’on ne 
          saurait en déplacer une virgule (sic : Isabelle Bourgeois, entendue 
          le 23 janvier sur I-télé) sans en bouleverser la signification 
          de fond en comble, tout cela s’appuyant sur l’argument d’autorité 
          que ce serait l’infiniment improbable compromis de vingt-cinq 
          points de vue en tout divergents : ou bien c’est le cas, et il 
          est nécessairement suspect, ou bien il serait nettement moins 
          improbable si on voulait bien s’en tenir aux lignes de convergence 
          et prendre une fois pour toutes en compte la diversité des libertés 
          nationales en jeu, comme je le suggère dans le texte précédent.        C’est pourquoi le plus simple 
          et le plus sûr, c’est, en définitive, de voter pour 
          un candidat qui se sera clairement prononcé, en s’en expliquant, 
          à la fois pour un oui à l’Europe et un non à 
          cette Constitution et dont nul ne puisse douter que ce non procède, 
          en effet, d’un oui qu’atteste son engagement européen. 
           | 
| Le 19 janvier, le Parlement européen a donc adopté, par 385 voix contre 125 et 51 abstentions, un rapport appelant à l’entrée en vigueur, dès 2009, de ce même projet de traité entre vingt-cinq Etats européens, lequel prétendait établir « une Constitution pour l’Europe », dont les termes ont été refusés par les peuples de France et de Hollande, c’est-à-dire de la première et de l’une des six premières nations initiatrices de l’Union européenne. Un traité, quand il ne s’agit pas d’un ouvrage de métaphysique ou de botanique, est un contrat passé entre plusieurs Etats souverains. Pour qu’un tel contrat existe, il faut que chacun des Etats contractants ait accepté les termes du contrat. Antérieurement à cette acceptation, et quelles que soient les modalités de sa décision pour chacun des Etats, le contrat n’a pas d’autre existence que celle d’un « projet de traité ».         Imaginons, issues de 40 peuples, 
          40 000 personnes sélectionnées comme on voudra, parmi 
          les plus compétentes en matière de droit international 
          en même temps que dans tous les domaines auxquels s’appliquerait, 
          pour ces 40 peuples, le projet en question. Imaginons que soit confiée 
          à ces 40 000 personnes la charge de concevoir et de rédiger 
          un tel projet de traité. Imaginons que, pour préparer 
          ce travail, pendant une durée à déterminer, chacune 
          de ces 40 000 personnes soit isolée, dans une petite cellule, 
          des 39 999 autres. Imaginons qu’au terme de cette préparation, 
          elles se réunissent pour confronter leurs textes respectifs et 
          qu’elles constatent, avec stupéfaction, qu’elles 
          sont toutes parvenues, à la lettre près, au même 
          résultat. On appelle la Bible des Septante, une traduction (une simple traduction !) de la Bible de l’hébreu en grec, effectuée, selon une certaine tradition, par 70 rabbins (seulement 70!) dans les conditions miraculeuses que je viens de décrire. La traduction des Septante fait autorité : elle n’a pour autant jamais interdit, que je sache, selon aucune tradition, de reprendre l’aller-retour du grec à l’hébreu pour tenter un progrès dans l’intelligibilité de l’original. Elle n’a jamais prétendu, si j’ose dire, s’auto-sacraliser, en fermant définitivement la porte derrière elle. Et encore n’avait-elle pas pour objet de recueillir l’approbation de qui que ce soit d’autre que de chacun des 70 rabbins convoqués.         Dans le cas qui nous intéresse, 
          il ne s’agit pas de n’importe quel traité, mais d’un 
          traité qui prétend établir « une Constitution 
          pour l’Europe ». C’est d’une part un traité, 
          puisqu’il doit se contracter entre des Etats, et pour la plupart 
          déjà dotés d’une Constitution ; mais puisque, 
          d’autre part, il établit une Constitution commune à 
          ces Etats, il suppose qu’en acceptant ce traité, chacun 
          de ces Etats consente à modifier le type de rapports entre eux 
          qui leur permet encore de contracter ensemble des traités. Ce 
          qui n’est pas rien –et reste à clarifier.         Maintenant, que cette Constitution 
          se veuille supranationale, tout en multipliant fausses portes et fausses 
          fenêtres exclusivement destinées à créer 
          l’illusion contraire, la preuve la plus éclatante vient 
          de nous en être administrée par ce Parlement européen 
          dont les ouistes nous vantaient naguère l’extension des 
          compétences : il ne considère plus le « Traité 
          établissant une Constitution pour l’Europe » comme 
          un traité, c’est-à-dire entre les Etats qu’il 
          aurait pour fonction d’unir, mais directement comme un projet 
          de Constitution valant pour un seul et même peuple européen 
          qui lui serait déjà majoritairement favorable, avec une 
          écrasée minorité de deux contre, ce que l’on 
          pourrait confirmer –après la vaste campagne d’intox 
          très expressément programmée par le Conseil européen 
          en juin 2005 et détaillée, en cette mi-janvier, par le 
          Parlement– grâce à l’organisation d’un 
          référendum commun à l’ensemble des Etats 
          concernés dont la majorité serait décisive, sans 
          distinction de nationalité.          Nous avons là un stupéfiant 
          exemple de dévoiement de ce corps intermédiaire qu’est 
          un Parlement, qui finit par ne plus voir la réalité 
          qu’il est supposé représenter qu’à 
          travers le prisme de son propre corporatisme, en toute ignorance des 
          principes les plus élémentaires du droit et dans une inconscience 
          de son délire proportionnelle à l’ampleur du nombre 
          de ses membres et des majorités qui peuvent s’en dégager. 
                   De fait, nous venons d’assister 
          à un phénomène connu, plus commun qu’on ne 
          l’imagine, en particulier, semble-t-il, dans certaines apparitions 
          de vierges consécutives à un conditionnement de masse 
          de populations de provenances plus ou moins lointaines, assemblées 
          par le commun espoir de ne pas s’être déplacées 
          en vain : celui de l’hallucination collective.  | 
| Je viens de lire, dans L’Express du 17 novembre, le très remarquable entretien de Denis Jeambar avec un Sarkozy qui ne ressemble en rien à celui dont j’analyse l’action dans les lignes qui précèdent.         Je ne demande pas mieux que de 
          croire à cet autoportrait d’ultrarépublicain, "national" 
          au sens gaullien et intégrateur "à la française", 
          plutôt qu’à ma vision du désintégrateur 
          méthodique, pompier au lance-flamme, qui n’a que la France 
          à perdre au bénéfice d’une mondialisation 
          à l’américaine. Je préfère, comme 
          tout le monde, les meilleures intentions aux pires –et je peux 
          même ajouter qu’un politique, pour moi, se juge d’abord 
          aux principes dont il se réclame et aux aspirations qu’il 
          s’efforce de mobiliser avant toute action, donc dans le discours. 
          Je comprendrais d’ailleurs mal qu’on en appelle à 
          des "hommes neufs", sans accepter par là même 
          de devoir commencer par se fier à ce qu’ils disent et par 
          les évaluer sur cette seule matière.  Quand j’entends, par exemple, Montebourg m’assurer que tous les Français sont aussi compétents que n’importe lequel d’entre eux pour discerner les meilleurs moyens à mettre en œuvre en vue d’une fin déterminée, je réalise immédiatement qu’il fonde l’égalité des voix sur celle présumée des compétences, qu’il identifie le vote à l’expression d’une intelligence portant sur des moyens, et non pas distinctement d’une volonté, ou plutôt même, comme son nom l’indique, d’un vœu, portant sur des fins auxquelles devront ensuite s’adapter les moyens les plus efficaces avec ce que suppose une telle adaptation d’intelligence, de formation, d’information et surtout d’investissement d’énergie et de temps, qu’à partir de cette confusion entre l’ordre des fins et celui des moyens, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il ne perçoive aucune raison ni aucun avantage à un exécutif, selon lui, bicéphale, ni même de différence de fonction significative entre ses deux "têtes" – ce qui en fait une de trop, problème qu’on prévoit de résoudre en réduisant la réputée plus forte au plus d’insignifiance – et qu’il est, en toute occurrence, dangereux d’accorder sa confiance à quelqu’un qui vous laisse entendre que vous êtes aussi bon économiste, après tout, que Barre ou Peyrelevade : bref, je vois d’un coup à qui j’ai affaire. Et sans avoir pour autant à trancher sur la part d’irréflexion ou de démagogie matoise qui commande sa rhétorique. A l’inverse, même dans l’hypothèse où ils seraient entièrement frauduleux, les propos de Sarkozy à Denis Jeambar suffisent, à eux seuls, à me prouver, chez lui, une intelligence de l’idée de République et au moins une compréhension de la hauteur de ce qui peut mobiliser ceux sur lesquels il choisit de compter, y compris quant à ce qu’il appelle maintenant «discrimination positive à la française», parlant d’une égalisation réelle des chances, à l’estime de quoi je serais prêt à me laisser convaincre, si j’avais à choisir entre un sixièmiste et lui, de voter pour lui et ce, alors même que je ne me suis jamais reconnu autant à gauche qu’aujourd’hui. Et nonobstant, pour cette simple raison que je place la République au-dessus encore de ce qu’on me présente comme le clivage droite-gauche. Et particulièrement la Vème du nom dont le caractère tant critiqué d’exceptionnalité en Europe et dans le monde se trouve très énigmatiquement coïncider avec l’égale exception, en dépit de la politique du parti "socialiste" au pouvoir, d’une société plus attachée que n’importe quelle autre à son idéal social et à ce qu’elle réussit, malgré tout, c’est-à-dire malgré la mondialisation de ce monde, à en incarner. Ce qui devrait peut-être porter nos re-constitutionnalistes en herbe à un peu plus de prudence et, par ailleurs, de pondération dans leurs indignations de circonstance.         Et je pense être en cela, 
          malheureusement pour la "gauche", représentatif d’une 
          large fraction de son électorat potentiel, de plus en plus vertigineusement 
          éloigné de ses militants, comme chacun le sait, et par 
          conséquent de moins en moins "potentiel". Et je dis 
          "malheureusement", pas seulement pour « la gauche », 
          mais d’abord pour moi, c’est-à-dire pour la mienne 
          ! Parce qu’enfin le problème, c’est qu’il ne 
          s’agira pas seulement de choisir un politique, mais aussi 
          tout de même un peu une politique. Or si Montebourg est 
          un homme "neuf" (certainement davantage que ses idées), 
          c’est assez loin d’être le cas du politique-dont-on-parle. 
                   En attendant, le Sarko-Express 
          aura beaucoup de mal à nous occulter le Sarko-Kärcher. Et 
          à moins qu’il ne soit de la mythique tribu des « 
          Indiens contraires », peut-être faudrait-il, avant qu’on 
          ne l’arrête pour trouble à l’ordre public, 
          lui signaler qu’il a enfourché sa monture à l’envers. 
           P.S : Dans l’avant-dernière de ses questions, qui sont d’ailleurs plutôt des mises en question, et si pertinentes que toute l’habileté rhétorique de son interlocuteur ne suffit pas, malgré l’avantage du dernier mot, à en effacer l’impact, Denis Jeambar (que je confesse découvrir à cette occasion) se réfère à une analyse d’Emmanuel Todd (à laquelle on peut rapidement accéder ici) qui, à mes yeux, confirme, avec beaucoup plus d’autorité, de conséquence et de données que mon texte, la position que j’y soutiens sur la nature et le sens de l’inflammation des cités. | 
| Il faut pardonner à ma désolation de se chercher des consolations où elle peut : mais celle-ci n’est pas des moindres, d’avoir vu, dans les flammes du brasier laborieusement allumé, entretenu et attisé par le dodelinant promu hors-la-loi vice-premier ministre dit de l’intérieur, leur allié commun, se réconcilier les croisés d’Outre-Atlantique-Manche et les infidèles islamisants de l’autre des extrêmes qui se touchent pour nous détecter, de derrière leurs verres fumeux, un même décryptage de ce qui nous arrive, une même démonstration de l’inadaptabilité définitive du modèle social français et, en particulier, d’"intégration à la française".         Je ne m’étendrai 
          pas sur le processus fort peu énigmatique de la précoce 
          dramatisation du phénomène à l’échelle 
          internationale ni sur l’autorité de la source de renseignements 
          à laquelle ont pu se fier, dès le 3 novembre, un commentateur 
          de CNN pour évoquer le couvre-feu et la mobilisation de l’armée 
          plus de trois jours avant l’annonce officielle de l’état 
          d’urgence par Villepin, puis, le lendemain, 4 novembre, le département 
          d’Etat conjointement à l’ambassade des Etats-Unis 
          ainsi que l’ensemble des autres pays dont la France est parmi 
          les premières destinations touristiques, pour avertir leurs populations 
          respectives de renoncer – à leur grand dam ! – à 
          toute incursion dans ces hauts lieux du patrimoine de la culture internationale 
          que passent pour être nos fameuses "barres" monumentales 
          de banlieues, leurs fresques polychromes, leurs pittoresques animations 
          pyrotechniques nocturnes, la toujours imprévisible créativité 
          de leur living theater, etc., etc. Je ne suis pas un obsédé 
          de la grosse magouille mondialisante, plus ou moins télécommandée 
          par la nébuleuse ex-Trilatérale, ses énormes capitaux 
          (quoique très parcimonieusement consentis) et son fantasme quasi 
          séculaire de gouvernance planétaire post-démocratique. 
          S’y révèle surtout, de la part de ses instances, 
          plus d’intérêt que n’en portent les Français 
          eux-mêmes à la califabilité-à-la-place-du-calife 
          de Nico dit le Nettoyeur ou le nouveau Vizir, la lessive au Kärcher, 
          c’est-à-dire à sa capacité à satisfaire 
          au premier des critères d’un candidat finançable 
          : être à même de conduire une politique anti-nationale 
          avec le soutien de la nation.          Ce qui est en effet visé 
          ici, par le très populaire vizir matamore hystérisant, 
          c’est bien, comme nous le confirment ses marionnettistes, le modèle 
          social français, il ne s’en est jamais caché, mais 
          cette fois au cœur même de la cible, justement l’intégration 
          républicaine à la française, et encore plus 
          précisément, touchant plus directement à la spécificité 
          nationale de ce modèle, c’est-à-dire à l’absurde 
          exception culturelle que constitue la France comme ultime obstacle 
          à l’expansionnisme anglo-saxon de la Paneuramérican-express, 
          le principe républicain de la laïcité auquel se veut 
          subordonné notre processus d’intégration et dont 
          la kärchérisation est devenue l’un des objectifs obsessionnels 
          de son vaste programme de destruction.         Doit-on rappeler que les banlieues 
          n’ont pas attendu le 27 octobre pour entrer en état de 
          crise ? Et que si l’on parle de la gestion de cette crise par 
          l’actuel gesticulateur de l’Intérieur, il conviendrait 
          de commencer par dénoncer sa politique d’aggravation 
          méthodique de la situation, d’abord en détruisant 
          le dispositif de prévention mis en place par Jean-Pierre Chevènement 
          :         Mais ce n’est pas tout : 
          chacun garde en mémoire la promulgation (toujours pour la plus 
          grande satisfaction de l’opinion publique) de tout un arsenal 
          d’interdictions inapplicables dont l’inconséquence 
          n’était que de discréditer encore un peu plus la 
          police et la loi en criminalisant ce qu’on n’avait aucun 
          moyen de réprimer, tout en augmentant le sentiment d’illégalité 
          usuelle des comportements et en réduisant à une esbroufe 
          grotesque le théoriquement concevable principe de la "tolérance 
          zéro", américanisme non moins, déjà, 
          provocateur où l’on comptait surtout bien faire entendre 
          que, désormais, ce serait l’intolérance absolue 
          la vertu suprême et les "quartiers", des ghettos.         Je n’ai pas grandi dans 
          une cité, loin s’en faut, mais je n’ai pas besoin 
          de beaucoup d’imagination pour me douter que, même dans 
          une cité, on est capable d’entendre la différence 
          de registre sur lequel s’exprime un responsable politique dans 
          une rue de Clichy-sous-bois et à l’écran, quand 
          il explique, sans le redire, devant Arlette Chabot, ce qu’il a 
          dit à Clichy-sous-bois. Et que si on me parle en racaille, c’est 
          qu’on me prend, moi aussi, pour de la racaille.  Il s’en est pourtant donné du mal, depuis un certain temps, pour imprimer une orientation communautariste à la révolte qu’il a suscitée : ces providentielles grenades lacrymogènes, dès le deuxième jour d’émeutes, juste à la porte d’un lieu de prière musulman, dont il faut attendre plus d’une semaine pour apprendre qu’elles ne sont pas entrées à l’intérieur et qu’il n’y a plus à se demander d’où elles ont pu tomber quand il suffit de montrer où, à supposer qu’il y ait eu besoin d’autant de temps, c’était donc si difficile, entre-temps, d’en présenter des excuses conditionnelles ? Notre illusionniste expert en communication démago aurait donc perdu, pour l’occasion, le sens de l’efficacité du verbe ? Et la référence claironnée à la loi du 3 avril 1955 pour justifier la proclamation solennelle d’un état d’urgence dont on s’est dispensé en mai 68, en outre inutile à l’application d’un couvre-feu en usage l’été à Orléans depuis 2001, mais qui nous renvoie surtout opportunément à la guerre d’Algérie et au vécu des parents et grands-parents des émeutiers ciblés de la communauté musulmane magrhebine, qui en est l’inspirateur, sous menace éventuelle de démission ? Et qui, le bouillant orateur apostrophant à l’Assemblée, dans les heures qui suivent, le Premier ministre en personne, pour lui annoncer que « oui, Monsieur le Premier ministre » –histoire qu’on se dise bien que c’est lui qui l’impose au gouvernement–, même les étrangers en situation régulière ayant fait l’objet d’une condamnation seraient reconduits chez eux, au bon plaisir de Son Omnipotence hystérissime, capable de rétablir selon son caprice l’illégalité de la double peine avec autant de facilité qu’il l’avait supprimée ?         Ce qu’il ne fera pas, bien 
          entendu, sinon dans les limites strictement précisées 
          par la loi en vigueur. C’est encore de la pure provocation verbale. 
                   Mais ne nous y trompons pas : 
          son rêve euraméricain n’a pas plus à voir 
          avec le triomphe de la race blanche façon Ku Klux Klan qu’avec 
          l’exaltation d’une France black-blanc-beur : il ne cherche 
          qu’à introduire, dans la société française, 
          une mondialisation à l’anglo-saxonne par le biais de 
          revendications communautaristes à la fois ethniques, religieuses 
          et culturelles qu’il fait tout pour favoriser, parce qu’il 
          en escompte l’éclatement de la notion républicaine 
          d’intérêt général en une multiplication 
          d’intérêts particuliers sur le chevauchement desquels 
          il espère pouvoir surfer, à l’image de cette pseudo-démocratie 
          américaine dont il se trouve encore des élites, chez nous, 
          pour cultiver, parfois même en toute naïveté, une 
          incompréhensible adulation. Et il en attend bien évidemment 
          surtout la péremption, à terme, de toute idée 
          d’une collectivité nationale, comme de l’échelle 
          politique à laquelle peut seulement se concevoir la maîtrise, 
          par un peuple, de l’orientation de son Histoire.          Il n’y a rien qui puisse 
          cautériser une telle plaie : d’avoir trahi pour perdre. 
          Elle purule encore de rancœur et de haine, chez nos vieux collabos 
          : mutatis mutandis, comment imaginer qu’elle aura cicatrisé 
          en deux ans, chez les Oui "de gauche" au TCE ? Et qu’on 
          ne m’objecte pas qu’il n’a pas fait de morts : c’était 
          aussi pour épargner des vies qu’on pouvait choisir la Collaboration. 
          Et pour cette raison qu’elle aura continué d’être 
          défendue par ceux qui l’auront choisie. Les seuls criminels 
          et criminogènes inconséquents étaient à 
          leurs yeux déjà, si je ne m’abuse, dans le maquis. 
                   C’est dans cette perspective 
          qu’il faut comprendre la tactique de harcèlement du très 
          zélé télé-vizir contre le principe de la 
          laïcité à la française. En jouant le communautarisme 
          contre la laïcité. En insistant complaisamment (et pour 
          le coup sans se cacher, dans une émission de grande écoute, 
          sur la 2, juste avant le périlleux pont du 11 novembre, de complaire, 
          cette fois, aux électeurs de Le Pen) sur la difficulté 
          spécifique d’intégration de certaines catégories 
          d’immigrés (en particulier, sans doute, celle dont on allait 
          s’occuper d’attaquer, de nouveau, une mosquée).          La France des cités réussit 
          à ne toujours pas céder au formidable travail d’intox 
          dont elle est la cible mondialisée, elle persiste à ne 
          rien vouloir d’autre que rappeler la France à elle-même, 
          aux principes qu’elle en a justement intégrés : 
          c’est la force de ces principes justement que d’avoir pu 
          être intégrés dans la plus catastrophique indigence 
          de toute politique d’intégration. Et cette France qui en 
          appelle à la France par-delà l’insuffisance et l’indignité 
          dramatiques d’une majorité de Français, c’est 
          elle qui atteste aujourd’hui, non pas certes, aucunement, de notre 
          capacité à l’intégrer, mais de la nécessité 
          que nous réintégrions notre propre identité, notre 
          propre Histoire, l’idéal vital et concret qui nous constitue. 
                   C’est aussi ce qui fait 
          que, pour un laïque républicain, il n’y a ni voyou 
          ni racaille, surtout quand il parle au nom de l’Etat, il y a des 
          actes ou des comportements plus ou moins criminels et inadmissibles, 
          voire inqualifiables, dont les auteurs ne peuvent être jugés 
          coupables que dans la mesure où ils auraient été 
          capables de ne pas l’être. Le respect de la laïcité 
          commence là. Et de la laïcité comme condition du 
          respect.          La répression des fautes 
          n’est que l’ordinaire de l’Etat de droit. Mais elle 
          suppose d’abord la présence d’une autorité 
          publique, et dont la fonction ne se réduise justement pas à 
          l’intervention répressive ponctuelle.          C’est précisément 
          là, dans le domaine de l’enseignement, que doit s’appliquer 
          juste l’inverse de ce qu’on entend généralement 
          par la discrimination positive, qui n’a que l’inconvénient 
          de rester tout aussi discriminatoire que l’autre, dès lors 
          qu’elle ne discrimine toujours qu’a posteriori, au lieu 
          de se donner les moyens d’une véritable indiscriminabilité. 
                   L’école est, en ce 
          sens, le lieu par excellence de l’exercice des valeurs proprement 
          républicaines. Et c’est en conformité à son 
          esprit que les cités doivent devenir l’objet d’une 
          polarisation prioritaire de l’"Education nationale", 
          non pas sous la forme caricaturale de zones d’éducation 
          prioritaire analogues aux services des urgences d’un centre hospitalier, 
          mais par une véritable réorganisation de la vie de la 
          cité autour de "pôles d’excellence" 
          de l’enseignement, expressément destinés à 
          couvrir l’ensemble d’un cursus complet, de la maternelle 
          aux études supérieures, c’est-à-dire, progressivement, 
          incluant des classes préparatoires aux grandes écoles, 
          aussi bien scientifiques et commerciales que littéraires, comme 
          autant de défis à l’indigence des conditions matérielles 
          dans lesquelles exercer l’attraction de cet idéal de formation 
          et de préparation aux plus hautes fonctions de la société. 
                   On aura bien compris que je ne 
          préconise pas de laisser les trafiquants à leur trafic 
          : il faut seulement accepter que certaines libertés se soient 
          déjà condamnées, nous aient déjà 
          devancés dans l’engrenage résolu du crime. Ce n’est 
          pas sur elles qu’on peut compter, même si l’on est 
          bien obligé de compter avec, mais sur celles qui viennent et 
          que même les premières, elles aussi, ne peuvent que souhaiter 
          voir prendre un autre chemin. Je n’imagine pas le pire des criminels 
          vouloir pour l’enfant qui lui arrive le destin qu’il se 
          serait, fût-ce le plus librement, choisi.  | 
| On m’a demandé la source de la citation de de Gaulle qui ouvre la conclusion du texte précédent et que je reproduis ci-dessous : « Le marché, Peyrefitte, il a du bon. Il oblige les gens à se dégourdir, il donne une prime aux meilleurs, il encourage à dépasser les autres et à se dépasser soi-même. Mais, en même temps, il fabrique des injustices, il installe des monopoles, il favorise les tricheurs. Alors, ne soyez pas aveugle en face du marché. Il ne faut pas s’imaginer qu’il règlera tout seul les problèmes. Le marché n’est pas au-dessus de la nation et de l’Etat. C’est la nation, c’est l’Etat qui doivent surplomber le marché. Si le marché régnait en maître, ce sont les Américains qui régneraient en maîtres sur lui ; ce sont les multinationales, qui ne sont pas plus multinationales que l’OTAN. Tout ça n’est qu’un simple camouflage de l’hégémonie américaine. Si nous suivions le marché les yeux fermés, nous nous ferions coloniser par les Américains. Nous n’existerions plus, nous Européens ».        Je suis heureux que cette question 
          de la source me soit posée, au moins pour ce qu’elle peut 
          témoigner d’incrédulité ou de doute sur l’authenticité 
          du propos –et donc d’abord d’étonnement et, 
          partant, d’attention : une attention étonnée qui 
          m’est une quasi garantie de re-lecture !        J’énonce d’abord 
          le triple paradoxe : en premier lieu, l’incroyable actualité 
          du propos et que ce soit seulement le débat sur le TCE qui l’ait 
          mise en évidence dans les motifs, désormais reconnus, 
          de son rejet ; en second lieu, le fondement, clairement égalitaire, 
          de l’antilibéralisme de principe ici affirmé par 
          de Gaulle ; enfin, sa revendication d’une identité européenne 
          dans la seule perspective de laquelle on observe qu’il faut inscrire 
          ce qu’on a stupidement appelé son "anti-américanisme"…        Archaïsme réactionnaire, 
          étatisme rigide et nationalisme mégalomaniaque, tous ces 
          traits s’accordent si parfaitement à nous dessiner une 
          caricature si cohérente qu’on ne saurait lui contester 
          d’être plus vraie que nature. N’était-il pas 
          lui-même une vivante caricature ?         Ainsi la fameuse tautologie : « 
          l’Europe sera européenne…ou elle ne sera pas ! 
          » qui semble déjà bien avoir fait scandale à 
          l’époque, immédiatement interprétée, 
          il va sans dire, déjà comme une déclaration anti-européenne. 
          D’après tous mes témoignages, de fait, à 
          l’époque déjà, pour ne pas être anti-européen, 
          il fallait être à la fois hyper-atlantiste, jusqu’à 
          l’américanolâtrie, et ultra-fédéraliste, 
          jusqu’à un supranationalisme qui n’avait pas (encore) 
          peur de son nom.        Surtout, il me semble comprendre 
          la fascination qu’il pouvait exercer sur tous ses interlocuteurs. 
          Je crois, là aussi contrairement à une opinion reçue, 
          qu’elle était d’ordre proprement intellectuel : c’est 
          un esprit (en tout cas, tel qu’il est présenté ici) 
          d’une fulgurante rapidité. Avec une capacité à 
          viser droit au cœur de la cible, en particulier à trouver 
          instantanément le défaut de la cuirasse dans la proposition 
          la plus complexe et la mieux argumentée, une acuité qui 
          laisse, la plupart du temps, l’interlocuteur interloqué, 
          parfois sous le coup d’une formule magique, totalement désarmante 
          (je préfère ne pas en donner d’exemple, précisément 
          parce qu’elles ne prennent leur véritable relief que dans 
          les contextes les plus alambiqués). En même temps, ce sont 
          justement ces répliques sans réplique où l’on 
          perçoit le mieux son degré d’écoute. Et sa 
          surprenante plasticité mentale. Ca devait être, en effet, 
          assez impressionnant. Ce qui l’est, en tout cas, c’est le 
          nombre et le niveau, le caractère aussi, de ceux qu’il 
          a impressionnés.         Ce qui est sûr, quand on 
          lit le témoignage de Peyrefitte, c’est qu’on est 
          obligé de se dire que, dans l’hypothèse où 
          il aurait embelli le portrait, ce qu’il y aurait ajouté 
          de son cru prouverait un talent et un style qu’on ne lui voit 
          pas dans ce qu’il revendique de sien, ici non plus qu’ailleurs 
          (car l’auteur fut prolixe). | 
|        C’est la terrible 
          fécondité des temps de crise que de contraindre à 
          en revenir aux fondements.  C’est ce que je compte montrer, dans le texte qui suit. Je m’attacherai d’abord à 
          dégager les ressorts cachés (du reste, à peine) 
          sur lesquels je pense que s’appuie aujourd’hui cette entreprise 
          ( I ). Puis j’examinerai, de front, à quel type de légitimité 
          elle peut prétendre, institutionnellement ( II ), avant de proposer, 
          pour en approfondir la critique, mon analyse, positive, de l’organisation 
          actuelle des pouvoirs ( III ). A partir de quoi je m’efforcerai 
          de mettre en lumière l’adéquation spécifique 
          de cette organisation au projet social français, d’abord 
          tel qu’il s’inscrit dans l’Histoire en cours, c’est-à-dire 
          aussi à venir ( IV ) et, enfin, quant à ses implications 
          économiques, en tant que projet, non seulement particulier à 
          la France, mais ouvert à l’universel, c’est-à-dire 
          à une certaine idée de l’homme : de l’humanité 
          de l’homme ( V ).  Ce sera ma façon de répondre à 
          l’exigence de clarification des fondements que demande à 
          chacun d’entre nous, chacun dans la mesure de ses capacités, 
          la situation de crise où nous sommes.  
         A vrai dire, même ceux qui 
          contestent ouvertement le « modèle français » 
          se dispensent bien de préciser ce qu’ils entendent au juste 
          par là, en se contentant de nous marteler que, puisque « 
          ça ne marche pas », il faut aller « regarder ce qui 
          marche ailleurs ».  
         Malheureusement, ce qui le sert 
          encore davantage, c’est l’effort du PS d’éluder 
          toute question de fond en se cherchant une majorité interne qui 
          fasse abstraction de ses divisions sur le TCE, dans une surenchère 
          (entre libéraux et anti-libéraux) de concessions à 
          une minorité jusqu’ici toujours ignorée, mais dont 
          l’intérêt, en la circonstance, est qu’elle 
          ne se distingue pratiquement que par sa seule revendication institutionnelle 
          d’un changement de République : une VIème, dont 
          il faudra qu’on nous explique un peu en détail comment 
          ne pas l’assimiler à un simple retour amnésique 
          (à moins qu’il ne soit nostalgique) à la IVème. 
           
         Empressons-nous donc, nous exhortent 
          les purs, de tirer nous aussi profit de la corruption, de la perversion 
          et de l’anti-constitutionnalisme le plus cynique de l’actuelle 
          absence de vergogne au pouvoir, pour élever bien haut notre protestation 
          indignée de ce régime pourri, pour le désigner 
          lui-même le premier coupable, pour le prétendre lui-même, 
          dès son principe, « intrinsèquement pervers » 
          et mieux encore, et du même coup, pour englober dans cette fin 
          de règne du pire de ses corrupteurs celle de plus d’un 
          demi-siècle d’« escroquerie gaullo-communiste 
          », ce sont les propres termes que j’ai entendus, dans ce 
          contexte précis, de la bouche d’un certain Jean-Luc Mano, 
          le 16 juillet, sur I-Télé, à l’occasion d’un 
          "best of" de l’émission « N’ayons 
          pas peur des mots », et l’« escroquerie » 
          en question, c’était d’avoir voulu nous faire croire 
          à une « France de résistants ». 
         Je voudrais, là-dessus, 
          tenter une première clarification, de principe, et qui suppose 
          de remonter jusqu'à la définition même de la démocratie, 
          ou plutôt de la République, telle qu'elle est rappelée 
          dès l'art. 2 de la Constitution de 1958 : « gouvernement 
          du peuple, par le peuple et pour le peuple ». 
 a- le pouvoir du peuple dans ses trois fonctions : présidentielle, gouvernementale et parlementaire         Le suffrage n’est rien sans 
          le débat qui doit le précéder, seul à fonder 
          la légitimité démocratique de la majorité 
          qui s’en dégage et donc, dans une élection, la représentativité 
          de l’élu. Mais cette représentativité est 
          en même temps proportionnelle à l’extension du suffrage, 
          ce qui implique, à mes yeux, l’élection du chef 
          de l’Etat au suffrage universel en tant qu’il représente 
          l’ensemble de la nation et qu’il est élu sur un programme 
          qui en détermine l’orientation politique pour une durée 
          au moins égale à celle de son mandat.  b- l’importance du scrutin majoritaire dans la délégation par le peuple de son pouvoir au Parlement         On voit ici l’importance 
          du scrutin majoritaire plutôt que de la proportionnelle dans l’élection 
          des députés qui la composent : non seulement c’est 
          celui qui permet, de l’électeur à l’élu, 
          l’élection la plus directe, c’est-à-dire la 
          plus conforme à l’idéal de la démocratie 
          directe, mais pour cette raison même, c’est aussi celui 
          qui exprime le mieux la responsabilité prioritaire de l’élu 
          devant ses électeurs, avant l’éventuelle organisation 
          politique ou le parti dont il a reçu l’investiture et qui 
          indique son orientation politique, ce qui veut dire que c’est, 
          en droit, le mode électoral qui laisse l’élu le 
          plus libre de son jugement face au gouvernement, aussi bien quant à 
          la fin qu’il poursuit que quant à l’adéquation 
          des moyens qu’il met en œuvre, pour y parvenir, dans son 
          adaptation à une conjoncture imprévue ; c’est donc 
          aussi le mode le plus conforme à cette fonction parlementaire. 
           c- fondement du droit de dissolution de l’Assemblée Nationale par le pouvoir présidentiel         Maintenant, lorsque le Parlement 
          "censure" le gouvernement, il peut avoir deux raisons de le 
          faire : soit qu’il juge les moyens mis en œuvre inadaptés, 
          voire contradictoires, à une fin dont il reconnaît la légitimité, 
          soit qu’il estime cette fin elle-même désormais inadaptée 
          à la situation nouvelle qui lui impose de se prononcer.  
 
         Plaçons-nous, en effet, 
          dans l’hypothèse la plus improbable, où tous les 
          citoyens jouiraient de moyens matériels et immatériels 
          strictement égaux : le libre usage de ces moyens par chacun suffirait, 
          à lui seul, à produire entre eux une situation d’inégalité 
          au moins matérielle. Ici, l’égalité apparaît 
          comme un principe statique, la liberté, dynamique, l’un 
          et l’autre mutuellement opposables.  
         A présent, 
          je le demande : qui ne serait disposé à sacrifier une 
          part plus ou moins extensible d’on ne sait trop quel idéal 
          de liberté à ce programme de prospérité 
          au nom duquel nos constitutionnalistes européens nous proposaient 
          de nous assujettir à la puissance exemplairement démocratique 
          des Etats-Unis d’Amérique ?  
 En ce sens, le partage du travail n’est pas une simple solution socialiste à un problème conjoncturel de chômage : c’est une traduction matérielle du principe républicain de ce que j’ai appelé l’implication mutuelle de la liberté et de l’égalité, qui donne son sens le plus concret au troisième impératif de la devise de la République, puisque c’est la fraternité du partage qui constitue le principe dynamique de cette mise en rapport des deux premiers. Le travail n’est pas ici simplement regardé comme la source d’une richesse dont le travailleur ne serait qu’un instrument (éventuellement moins intelligent qu’une machine), il est en lui-même d’abord une richesse, une expression spécifique de l’humanité de l’homme et de sa liberté à laquelle, donc, tout homme doit avoir part, sous quelque forme que ce soit, pour le plus grand bien de tous les hommes. a- le droit au travail et l’indemnisation du chômage         C’est pourquoi, dans sa 
          conception républicaine, la reconnaissance du travail comme d’un 
          droit n’est pas seulement celle d’une aptitude a priori 
          de chacun à travailler qui interdirait de présumer qui 
          que ce soit incapable d’aucun travail, ce n’est pas seulement 
          la reconnaissance d’un droit subjectif, le droit reconnu à 
          chaque sujet de travailler, sous cette réserve implicite que 
          le lui permette la quantité de travail objectivement disponible 
          : le fameux « droit de travailler » que proposait le projet 
          de Constitution européenne, une sorte de droit d’exister 
          en tant qu’agent potentiel de l’accroissement de la richesse 
          dans le monde. C’est le travail qui est lui-même un droit. 
          C’est d’avoir un travail à exercer.  b- niaiseries de la « récompense au mérite » et de la « culture du résultat »         Le travail de chacun est donc 
          essentiellement l’affaire de tous. Il ne s’agit pas seulement 
          là d’un principe normatif républicain : c’est 
          d’abord la reconnaissance de cette réalité de fait 
          qu’il n’y a pas de travail qui ne serait qu’individuel 
          et dont le fruit ne serait dû qu’au mérite propre 
          de son agent immédiat. Ce sont justement les inventeurs et les 
          créateurs qui le savent le mieux, qui sont les plus conscients 
          de ce qu’ils doivent à ceux qui les ont « préparés 
          ».  c- la solidarité dans le travail         La culture (entendez le culte, 
          l’absolutisation) du résultat, c’est une périphrase 
          pour l’arrivisme, l’obsession de l’arrivée, 
          « d’y être arrivé », dans une impatience, 
          une immédiateté exclusive de toute médiation. Cette 
          ignorance de la médiation, du temps de travail socialement nécessaire 
          à tout résultat, ou plutôt (car l’étymologie 
          du mot même de "résultat" indique justement un 
          saut, la soudaineté d’un bond qui pourrait bien avoir "sauté" 
          l’essentiel, d’où le caractère purement factuel, 
          éventuellement factice, voire fortuit du résultat) ce 
          refus du temps de travail socialement nécessaire à tout 
          accomplissement, y compris le plus individuel, voilà la tentation 
          anti-républicaine par excellence (à laquelle s’adapte 
          si bien le raccourcissement du mandat présidentiel de 7 à 
          5 ans).  
         Si le travail était donc 
          le fondement d’un droit de propriété, il ne le serait 
          à mes yeux que d’une propriété collective 
          et pour une collectivité aux limites incirconscriptibles où 
          se dissoudrait l’idée même de propriété. 
           
         Car la concurrence promue par 
          ce projet pseudo-européen est en réalité une concurrence 
          faussée au profit de l’entreprise privée, y compris 
          en charge de mission de service public, et c’est au nom même 
          du principe qu’il énonce d’une concurrence libre 
          et non faussée qu’il était déjà nécessaire 
          de le refuser : non seulement l’interdiction de toute harmonisation 
          fiscale entre différents Etats fausse la concurrence entre leurs 
          entreprises respectives, puisqu’il leur est ainsi interdit de 
          travailler au même coût social de production, mais il s’ensuit 
          que la concurrence dont il s’agit ne peut plus directement s’établir 
          entre les produits des entreprises, mais d’abord entre leurs fiscalités 
          respectives, tendant ainsi à une réduction du coût 
          du travail par la réduction de l’impôt qui est la 
          source même de la richesse publique et de sa redistribution (dès 
          le prélèvement de l’impôt, par sa proportionnalisation 
          au revenu imposé).  
         Et il n’y va pas seulement 
          du droit de propriété, mais du sens nouveau que donne 
          la République à la jouissance de la propriété. 
           
         « Tout de même, 
          l’économie de marché, on n’a jamais rien trouvé 
          de meilleur » disait Alain Peyrefitte à de Gaulle (à 
          l’issue du Conseil des ministres du 12 décembre 1962). 
           NOTE : Je ne vois personne, depuis que je me 
          suis engagé dans ce combat, dont il pouvait m'être plus 
          douloureux de me séparer, à peine rencontré, que 
          ce héros que demeure, à mes yeux, Etienne Chouard. En 
          particulier dans mes développements sur son parlementarisme à 
          la sauce RIP/RIC. 
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|        Si je choisis de 
          m’adresser aux militants trotskistes plutôt qu’à 
          ceux du PCF qui m’ont prouvé assez d’ouverture pour 
          accueillir favorablement ma contribution à la campagne référendaire 
          en lui consacrant un article on ne peut plus bienveillant dans les colonnes 
          de L’Humanité, 
          c’est parce qu’à la réflexion, je ne vois 
          guère que les premiers dont il me paraisse parfaitement cohérent 
          de supposer que viennent les malentendus concernant le sens de mes commentaires 
          (et auxquels j’ai déjà été répondre) 
          sur le site Bellaciao 
          où a été mis en ligne l’abrégé 
          de la présente page « Et maintenant ? » (que m’avait 
          demandé Newropeans 
          Magazine).  
        L’intérêt de 
          mon point de vue sur la question tient peut-être surtout à 
          la trivialité, a priori, de mon rapport au trotskisme, une trivialité 
          que je compte, naturellement, dépasser, que je dépasse 
          d’ailleurs déjà en ce qu’elle n’exclut 
          pas qu’il me fasse question : comment se peut-il, par exemple, 
          qu’un Besançenot manifeste plus de sympathie à un 
          Dominique Strauss-Kahn (cf. sur France 2 l'émission « Débats 
          croisés » du 25 mai) qu’à un Laurent Fabius 
          indiquant une claire inflexion à gauche de son action politique 
          et un clair engagement à la revalorisation du secteur public, 
          explicitement opposée à la dissolution que prône 
          Dominique Strauss-Kahn du service public en « missions de service 
          public » offertes à la concurrence d’entreprises 
          privées ? Et comment se peut-il que des trotskistes (si je les 
          ai bien identifiés) m’accusent de travailler contre la 
          « gauche » (au service d’une droite que je n’aurais 
          que faussement « trahie »), quand je critique l’actuelle 
          direction du PS, et de s’être prononcée pour le Oui 
          à la constitution (bien avant le référendum interne), 
          et de s’obstiner (après le référendum national) 
          à discréditer le Non et à en neutraliser les effets 
          ?  
        Encore une fois, je ne voudrais 
          pas que l’on s’y trompe : mon effort n’est que de 
          me rendre intelligibles et cohérents les paradoxes que je vois 
          dans le comportement politique des trotskistes. Chacun pourra mesurer, 
          en fonction de son degré de connaissance de cette question, celui 
          de mon ignorance ou de ma stupidité : il n’y a en tout 
          cas, de ma part, aucune prétention ni aucun mépris.  3- Crédibilité historique du trotskisme        J’en viens donc au fond (là, 
          du moins, jusqu’où je suis capable d’aller, c’est-à-dire 
          sans doute pas très loin…).  
        Si je me permets de résumer 
          grossièrement ce que j’ai compris du raisonnement de Trotsky 
          sur la nécessité, pour la Russie de son temps, d’une 
          extension de la Révolution à l’Europe entière, 
          c’est, pour l’essentiel, qu’il en attendait une compensation 
          du retard du développement aussi bien culturel qu’infrastructurel 
          de l’industrialisation de la Russie relativement au reste de l’Europe, 
          afin d’y surmonter les tendances réactionnaires d’une 
          paysannerie de culture encore féodale.  
         Nous avons eu les oreilles rebattues 
          (et ce n’est pas fini !) de l'accusation d’une prétendue 
          « arrogance » française chaque fois que nous avons 
          entrepris de défendre l’exigence du projet social qui caractérise 
          la France, et en particulier (j’en parle d’expérience) 
          de la part des tenants du Oui de « gauche » (cf., par exemple, 
          ma réponse à l’équipe DSK en page « 
          Suites », II). Au-delà des évidentes 
          manœuvres de décrédibilisation du Non, ce que je 
          trouve suspect, c’est moins cette assimilation scandaleuse d’un 
          minimum d’exigence à un maximum d’arrogance que la 
          propension manifestement complaisante à mettre ici l’arrogance 
          au passif de l’image du Français dans le monde (à 
          laquelle serait prioritaire de substituer celle d’un « profil 
          bas »). 
        Reste que, par la force des choses, 
          de la vie, des générations montantes, celle de la parole 
          aussi, on en sort, on est en train d’en sortir. On en sort, parce 
          qu’on en parle. On commence tout juste à pouvoir, sans 
          y penser, dire de quelqu’un qu’il est Juif. Sans honte. 
          Ni pour soi ni pour lui.  
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|        Il y a tout de même 
          quelques mots à dire de la déclaration de Tony Blair au 
          Conseil européen sur l’alternative qui s’ouvrirait 
          aujourd’hui à l’Europe, soit de s’en tenir 
          à des schémas d’un demi-siècle d’âge, 
          soit de s’adapter résolument aux nécessités 
          de l’évolution présente et, selon lui, à 
          venir du monde-comme-il-va.         Ladite opposition serait (comme 
          toujours et depuis beaucoup plus d’un demi-siècle) celle 
          de l’archaïsme et de la modernité (Mitterrand était 
          déjà l’archaïque de Rocard, de Gaulle celui 
          de Lecanuet ou de JJSS, Blair lui-même est aujourd’hui celui 
          de…Madelin pour qui l’avenir est à...Thatcher !).        Cessons, en effet, de nous leurrer 
          sur la nature et les conditions du succès de la politique blairiste 
          : il tient à deux facteurs bien distincts, l’un de simple 
          gestion des ressources publiques (dont il n’est certes pas exclu 
          que telle ou telle disposition, au reste éventuellement déjà 
          empruntée à l’extérieur, soit applicable 
          n’importe où ailleurs qu’en Angleterre : mais ce 
          n’est pas ce qui justifie qu’on parle d’un « 
          système Blair ») et l’autre, proprement économique, 
          ou plutôt fiscal, qui ne constitue qu'un prolongement de la politique 
          thatchérienne, à la brutalité de laquelle toute 
          pondération sociale doit d'apparaître, par contraste, comme 
          un prestigieux équilibre de social-libéralisme.         Autrement dit, le « modèle 
          » Blair n’est efficace qu’à la condition que 
          tout le monde ne le suive pas (ce qui est la définition même 
          de l’immoralité selon Kant), c’est-à-dire 
          que ce ne soit pas un modèle. Et si tout le monde le suivait, 
          de cette harmonisation fiscale vers le bas ne résulterait, en 
          chaque nation, qu’un nouvel appauvrissement des plus pauvres au 
          bénéfice des plus riches.  Mais au-delà des stratégies politiques et du jeu des intérêts particuliers, ce qui s'exprime directement, dans le discours de Blair, c'est que l’alternative entre l’union ou la division européenne est d’abord celle qui oppose deux conceptions du sens de la vie en société comme de la raison d’être du politique, l’une pour laquelle c’est de s’adapter au monde prétendument comme-il-va, l’autre, de s’efforcer de se l’adapter, avec tous les risques d’une plus haute exigence, tout simplement plus « humaine », à tous les sens du mot. | 
|        Dès le soir 
          du 16 juin, nous avons donc pu assister, en direct de Bruxelles, à 
          une véritable scène hallucinatoire de comique de l’absurde, 
          sans doute inspirée d’une récente relecture de quelque 
          pièce de Ionesco, à moins que ce ne soit plutôt 
          de l’Ubu roi d’Alfred Jarry, où un président 
          du Conseil européen, très en verve, se moquait ouvertement 
          des journalistes convoqués à la conférence de presse 
          qui devait les informer des conclusions de la réunion du Conseil 
          sur la poursuite ou non du processus de ratification du « traité 
          constitutionnel » (nous savons que c’est ainsi qu’on 
          le nomme, quand il a du plomb dans l’aile), en les avertissant 
          d’emblée, au terme d’un exposé surréaliste, 
          qu’il ne voyait pas du tout quelles questions pourraient lui être 
          posées, mais que leur imagination ne connaissant pas de limites, 
          il n’en était pas moins prêt à les entendre... 
                  Ce fut donc un festival d’humour 
          "pince sans rire", avec ce léger inconvénient, 
          toutefois, qu’étant généralement "sans 
          rire", non plus, des auditeurs, on ne savait plus très bien 
          ce qui était à prendre au premier degré ou au sens 
          d’une antiphrase.         En attendant, comme il n’y 
          aurait toujours pas de plan B, c’est-à-dire pas de renégociation 
          envisageable (on lâche étourdiment tout de même, 
          restant de réalisme ou de réflexe démocratique 
          : dans un avenir prévisible), notre expert en jeux de mots nous 
          a dégoté (de derrière l’obscène C) 
          un nouveau plan D « comme Débat, Dialogue ou Démocratie 
          » (sic), en résumé une pause dans le processus de 
          ratification, mais tenez-vous bien, une pause à destination, 
          non pas de ceux des Etats qui suivent la voie exclusivement parlementaire 
          (ceux-là, il va de soi que c’est comme si c’était 
          déjà fait) mais, bien entendu, des neufs malheureux plus 
          ou moins contraints d’en passer par leur peuple, c’est-à-dire 
          par la voie référendaire.         Et ce qu’il faut comprendre, 
          nous est-il péremptoirement déclaré, c’est 
          que ce « traité constitutionnel » est la seule réponse 
          à toutes les questions que peut poser l’évolution 
          de l’Europe. Il suffit de savoir lire, mais comme, visiblement, 
          les peuples ne savent pas lire, on va le leur expliquer.        C’est là, pour moi, 
          le grand intérêt de ce ralentissement d’un « 
          processus de ratification » désormais dénué 
          de toute pertinence juridique.         Une dernière note, pour 
          Chirac.        Jusqu’à nouvel ordre, 
          la girouette continuera donc à tourner au gré de notre 
          vent. C’est dire que notre responsabilité politique est, 
          à présent, totale.  | 
|        Je viens de découvrir, 
          paru il y a moins d’une semaine, la nouvelle publication de Jacques 
          Généreux, « 
          Sens et conséquences du "Non" Français », 
          un opuscule, comme toujours, magistral.        Il propose, au-delà du plan 
          B qui se prépare (et qui est celui dont je viens de dénoncer 
          l’inanité) ainsi que de deux autres, l’un, C (qui 
          serait, selon lui, l’idéal) et l’autre, D (celui 
          d’une Europe à géométrie variable dont il 
          montre assez bien les limites et les risques), ce qu’il appelle 
          un plan E (comme « Europe » !), le seul qui, dans la situation 
          actuelle, représente, mieux qu’un compromis acceptable, 
          une première étape sur la voie d’une véritable 
          réorientation de la construction européenne.         Vous qui me lisez, lisez ce texte 
          et ne vous contentez pas de le lire : quand vous l’aurez lu, faites-le 
          lire et surtout…achetez-le !         Il y a longtemps que nous le savions, 
          que nous savions que notre Non était empreint d’une puissance 
          d’affirmation infiniment supérieure au Oui du consentement 
          ou de la résignation. Et nous savions exactement ce que nous 
          voulions, à la lumière de quoi, exclusivement, nous avons 
          pu savoir aussi à quoi nous disions Non.  | 
|        La question n’est 
          plus de savoir si la partie III était ou non à sa place 
          dans le projet de Constitution qui nous était proposé 
          : elle s’y trouvait lorsque nous avons refusé ce projet. 
                  Contrairement à ce qu’on 
          nous ressasse depuis des mois, l’alternative n’était 
          pas, elle n’a jamais été, entre le moins bien (que 
          représenterait le Traité de Nice) ou le mieux (qu’aurait 
          représenté le projet de Constitution) : elle était 
          entre la constitutionnalisation d’un Traité de Nice prétendument 
          amélioré ou le refus de cette constitutionnalisation. 
                  J’ajoute qu’à 
          supposer que nous ayons refusé une amélioration du Traité 
          de Nice, refuser même cette amélioration, c’eût 
          été encore, et à plus forte raison, refuser le 
          Traité de Nice.         Ce n’est pas nous qui avons 
          choisi de remettre en cause le statu quo : c’est l’unanimité 
          des représentants des Etats membres de l’Union en nous 
          présentant ce projet de Constitution.         Quant à s’imaginer 
          que nous pourrions nous contenter d’une renégociation de 
          la seule troisième partie du projet de Constitution, ce serait 
          gravement sous-estimer l’attention que nous avons prêtée 
          au texte : on ne compte pas le nombre d’articles des autres parties 
          qui se réfèrent à celle-ci, la préparent 
          ou en indiquent la portée, au point que la reprise de leur contenu 
          en elle n’en constitue souvent qu’une explicitation.  Et nous ne demandons pas, comme on fait semblant de le croire, qu’elle soit, du jour au lendemain, orientée dans une autre direction, opposée à celle de l’actuel projet, mais simplement qu’elle s’abstienne de prédéterminer, à l’exclusion de toute autre, la direction politique, économique et sociale dans laquelle elle s’oriente, qu’elle ouvre au contraire un véritable espace de liberté, nécessaire à la vie démocratique des peuples qu’elle veut unir, et qu’elle satisfasse par conséquent, cette fois réellement, à la double exigence, qu’elle s’est donnée pour devise, de l’union dans le respect de la diversité. | 
| En relisant ce que je 
        viens d’écrire sur le sens de notre Non, je réalise 
        que ce texte pourrait assez bien s’interpréter comme d’un 
        fabiusien ratissant (à la Chevènement) sur les terres du 
        gaullisme et qui ne s’intéresserait à une présidentielle 
        anticipée que pour permettre à son "favori" de 
        profiter pleinement de l’occasion la plus avantageuse qui puisse 
        jamais se présenter à lui d’accéder au pouvoir 
        suprême, sans autre investiture que celle du peuple ni aucun autre 
        programme que le seul déductible du 29 mai, tel que même 
        nos médiocrates sont bien obligés de finir par faire semblant 
        de le décrypter, sous peine de passer du statut de l’élite 
        à celui de la lie intellectuelle de la nation.        
          Eh bien, pourquoi pas ?          Et d’autant moins que nous 
          nous sommes justement donné les moyens de l’éviter. 
                   Un piège se prépare, 
          dès à présent, pour l’imminente échéance 
          de la réunion du conseil européen des 16-17 juin (jeudi 
          et vendredi de cette semaine) : on prévoit de nous berner en 
          nous présentant comme une concession de retirer de la Constitution 
          cette fameuse partie III, puisque c’est clairement celle qui fait 
          difficulté. Les Français seront supposés se réjouir 
          de ce qu’on ait pris leur suffrage en compte, sans que nos gouvernants 
          aient à se déjuger : ne nous l’avaient-ils pas bien 
          dit, qu’en refusant ce projet, nous garderions précisément 
          l’essentiel de ce que nous en aurions refusé, c’est-à-dire 
          précisément cette partie III, « simple reprise et 
          synthèse de l’ensemble des traités en vigueur » 
          ?         Il n’est pas jusqu’à 
          l’impertinent Serge July qui n’ait été conduit 
          à soutenir cette évidence, le 7 juin, sur le plateau de 
          France-Europe-express (le programme de l’Europe à Très 
          Grande Vitesse : « elle roule pour vous, dormez, braves gens, 
          vous êtes sur des rails ! »).          Alors, qu’ils essayent seulement 
          ! Et il faudra que notre réaction soit à la mesure de 
          leur audace et de leur cynisme.          Bien entendu que l’essentiel 
          n’est pas là, qu’il va nous falloir travailler, maintenant, 
          à un nouvel avenir de l’Europe. Et que c’est urgent. 
          Et nous sommes déjà nombreux au travail.  | ||
| Un tel sentiment de délivrance, 
      un tel débordement d’enthousiasme, de pensées diverses 
      me sont venus à l’annonce de cette victoire du Non, elle-même 
      accompagnée de tant de mots d’amitié (j’ose à 
      peine l’avouer : de reconnaissance, moi qui en mérite si peu 
      d’avoir tellement tardé !), qu’il ne m’a pas fallu 
      moins que trois ou quatre jours, dans un premier temps, pour tâcher 
      de clarifier ce que je pourrais avoir à dire d’à peu 
      près sensé, voire d’éventuellement utile à 
      ceux qui s’y intéresseraient. J’ai même éprouvé, un moment, la tentation de me taire, de m’effacer complètement, mon « devoir » accompli, de retourner au paisible anonymat qui était le mien avant que je ne me sois cru obligé d’exposer mon témoignage et les raisons d’un choix qui me paraissait vital pour la France et pour l’Europe : qui dépassait de loin ma personne. Puis j’ai commencé à recevoir certains courriers où on s’étonnait de mon silence, qui me donnaient l’impression douloureuse de décevoir, peut-être d’avoir déserté, trahi, en fin de compte, et cela dans le même temps où je prenais progressivement conscience qu’en réalité rien n’était gagné, pas même cette première vraie bataille, et que, si faible qu’ait pu être mon poids dans ce formidable jeu d’équilibre des forces, je n’avais plus le droit d’en renier ma part de responsabilité, d’abandonner à l’ouverture, par définition largement indéterminée, du Non, aucun de ceux, quand il n’y en aurait eu qu’un, que j’aurais contribué à convaincre d’y entrer. C’est pourquoi je voudrais maintenant, afin de lutter contre le révisionnisme en direct auquel nous assistons, reprendre d’abord le fil de notre histoire et tenter d’exposer ce que j’en comprends et les conséquences qui me semblent devoir en être tirées pour le proche et plus lointain avenir. 
         Il faut remonter un peu plus haut 
        dans le temps. Souvenez-vous : c’était fin août. En 
        dépit de l’impopularité, déjà, du pouvoir 
        en place, et de la situation catastrophique, déjà, de la 
        France, les sondages l’attestent, nous étions près 
        de 70% à vouloir une constitution pour l’Europe. On ne 
        l’a pas assez dit : l’a priori était d’emblée 
        favorable, soutenu par une tradition historique nationale d’aspiration 
        au Droit dans son acception politique la plus profonde et originelle – 
        comme instance ultime de prévention contre l’état 
        de guerre et de protection du faible contre le fort – encouragé 
        encore, en l’occurrence, par la conscience de la nécessité 
        d’adapter les institutions de l’Union aux exigences nouvelles 
        que lui imposait un élargissement d’une ampleur et d’une 
        difficulté sans précédent.  Le retard de ma réaction m’oblige à prendre en compte, malheureusement, une orientation tout autre de nos puissances d’établissement.         Laissons de côté les 
        médias qui s’obstinent à coups de sondages grossièrement 
        manipulateurs, mais tout aussi facilement décryptables, à 
        vouloir nous convaincre en même temps que le Non est bien lepéniste 
        et que Lionel Jospin reste le présidentiable préféré 
        des socialistes : on ne s’en remet pas, d’avoir agité 
        en vain l’épouvantail dépenaillé du 21 avril, 
        on s’exaspère de l’absence aggravante, ici, de toute 
        mauvaise conscience, on n’en revient pas, que l’instrumentalisation 
        médiatico-mitterrando-chiraquienne de Le Pen, ça ne marche 
        plus.         Autrement plus grave est le comportement 
        de la direction du parti socialiste qui confirme au-delà de mes 
        craintes l’explication que j’avais risquée de l’ardeur 
        de son engagement pour le Oui : une stratégie purement politicienne 
        de conquête du pouvoir sur le court et long terme que je me suis 
        déjà efforcé de clarifier dans l’exposé 
        de mes arguments pour le Non (17, 18 et 19) et sur lesquels on voudra 
        bien me dispenser de revenir, tant les effluves en sont nauséabonds.        Mais que penser, alors, de l’attitude 
        qui fut celle du « Bureau directeur » de ce parti envers Laurent 
        Fabius, dès le soir des résultats du référendum 
        ? Totalement imperméables à l’expression de la volonté 
        du peuple, n’ayant rien de plus pressé que d’en détourner 
        sciemment la signification pour la réduire à une simple 
        manifestation de mécontentement populaire purement conjoncturel, 
        se gardant bien, pour autant, d’exiger, en conséquence, la 
        démission du chef de l’Etat, les ténors « socialistes 
        » n’avaient déjà plus en tête que leur 
        obsession de se positionner en vue de la course aux présidentielles 
        de 2007, en commençant par en éliminer leur candidat, cette 
        fois, en effet, le plus « naturel », c’est-à-dire 
        par l’exclure de la direction du parti. Car c’est là l’évidence à laquelle il faudra bien finir par se rendre.        Il y a un moment que je crois avoir 
        compris (d’ailleurs pas tout seul) que mon archéo-gaullisme 
        pragmatique était incommensurablement plus à gauche que 
        le néo-libéralisme dogmatique de la si fameuse « gauche 
        européenne » à laquelle s’abandonne désormais 
        le PS, comme à son délire fusionnel de retour à cette 
        indifférenciation qui caractérise la vie intra-utérine 
        (vertigineux fantasme d’une Europe voluptueusement matricielle…), 
        mais je n’avais pas encore perçu, dans toute l’ampleur 
        qui m’en apparaît maintenant, la gravité d’un 
        tel glissement.         Je m’explique.        Or ce qui se passe à présent, 
        c’est que droite et gauche de gouvernement s’accordent 
        à s’appuyer sur l’idéal de la construction européenne 
        pour légitimer leur commun renoncement aux exigences de ce projet 
        social spécifique de la France. Et le paradoxe est ici que 
        c’est son anti-nationalisme qui incline le plus naturellement la 
        gauche à sacrifier à l’Europe son opposition au libéralisme, 
        alors que c’est le nationalisme de droite qui est porté à 
        s’opposer le plus naturellement à la dissolution de la spécificité 
        française dans la mondialisation néo-libérale de 
        l’Europe.         Le prodige, dans cette apparente 
        confusion générale dont le PS, en particulier, ne s’est 
        pas privé de jouer, c’est qu’au-delà de tous 
        les partis, le peuple, lui (car c’est justement la définition 
        du peuple que de pouvoir être de TOUS les partis), ne s’y 
        est pas trompé. 
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